http://initiativegrecqueaparis.wordpress.com/

mars 19, 2012 by

notre initiative fait peau neuve

mars 19, 2012 by

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cherEs internautes,
nous vous informons que, dorénavant, vous pouvez suivre les publications de notre initiative à l’adresse :
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http://initiativegrecqueaparis.wordpress.com/
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Φίλες-οι,
σας ενημερώνουμε ότι στο εξής μπορείτε να παρακολουθείτε τη δράση της Πρωτοβουλίας μας μέσω του νέου της μπλογκ στην παρακάτω διεύθυνση
(στις catégories, θα συμπεριληφθούν κείμενα μεταφρασμένα στα ελληνικά):
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Solidarité internationale avec les travailleurs des « Aciéries grecques » (Helliniki Halivourgia)

décembre 14, 2011 by

Depuis le 1er novembre 400 travailleurs des « Aciéries grecques » (Helliniki Halivourgia) sont en grève, après avoir refusé la proposition du patronat qui consistait soit à la suppression de postes et à des licenciements, soit à la réduction des salaires « afin d’éviter les licenciements ». Une proposition similaire à celle imposée par Fiat à ses ouvriers il y a quelques mois. L’assemblée générale des travailleurs de Helliniki Halivourgia n’a accepté aucune des deux propositions et la direction a décidé de licencier 34 travailleurs. Leur réponse a été la grève, qui continue aujourd’hui, même si la direction a essayé de faire d’autres propositions, comme par exemple de réembaucher les licenciés en intérim. Ils ne l’ont pas accepté…
La lutte des travailleurs de Helliniki Halivourgia, surtout dans la situation actuelle de crise, de chômage et de précarité, n’est pas juste « une autre lutte », elle incarne en ce moment la lutte de toute la classe ouvrière. Les travailleurs montrent qu’ils se battent ensemble, sans les fausses divisions entre « licenciés » et « non-licenciés ». Ils ont conscience du fait que leurs intérêts sont communs et opposés à ceux de la direction de l’entreprise. Comme ils le disent dans leur communiqué du 17 novembre « nous sommes en grève, comme un poing, pour le 16ème jour. Et nous continuons ! Nous ne reculons pas, nous avons choisi le chemin de l’honneur et de la dignité, pour défendre le pain et l’avenir de nos enfants. Nous ne retournons pas au travail, dans le feu et le fer, pour 500€. Nous demandons que nos 34 collègues, qui ont été licenciés, reprennent le travail. Notre lutte concerne la classe ouvrière tout entière ». Il s’agit d’une lutte qui n’a pas d’autre choix que de gagner…Sa victoire sera une victoire de tous/tes les travailleurs en Grèce et ailleurs.
Plusieurs messages de soutien arrivent du monde entier : des syndicats d’Argentine, du Chili, de Russie, ou d’Espagne,… et bien entendu des syndicats, des lycéens et des étudiants grecs. Les actes de solidarité dans le pays se multiplient : des travailleurs d’une usine de production de lait (Mevgal) ont apporté du lait aux grévistes, des retraités, des lycéens et des étudiants ont symboliquement offert de l’argent à la caisse de solidarité des grévistes, beaucoup d’anonymes apportent leur soutiens financier, matériel ou tout simplement moral.
Nous aussi, nous exprimons notre soutien et notre pleine solidarité avec les grévistes de « Helliniki Halivourgia » !
Leur lutte est la nôtre aussi !
Leur victoire sera aussi à nous !

Premiers Signataires : Attac, Initiative des étudiants et des travailleurs grecs de Paris, Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Union Syndicale « Solidaires »

Contacts : solidarite.acieriesgr@gmail.com

Grèce : coup d’État européen face au soulèvement populaire, de Stathis Kouvelakis

décembre 1, 2011 by

initialement posté sur le site de Contretemps
(http://www.contretemps.eu/interventions/gr%C3%A8ce-coup-%C3%A9tat-europ%C3%A9en-face-soul%C3%A8vement-populaire)

Ainsi donc c’est en Grèce qu’a débuté la nouvelle pièce promise à un grand succès en cette saison politique européenne et qui s’intitule : La Prise du pouvoir par les banquiers. L’Italie paraît choisie pour la prochaine étape, ce qui ne fait que ressortir l’intérêt du processus grec qui a conduit à la démission de Georges Papandréou et à la formation d’un nouveau gouvernement dit d’« entente nationale » dirigé par Lucas Papadémos.

Plusieurs jours de tergiversations et d’âpres négociations entre le PASOK (socialiste), toujours majoritaire au Parlement, et la Nouvelle Démocratie (ND, opposition de droite), sans oublier le rôle particulièrement actif de l’extrême droite du LAOS, ont été nécessaires pour arriver à ce résultat.Au final, un gouvernement dont les principaux portefeuilles économiques et sociaux restent aux mains du PASOK, la droite se cantonnant à deux ministères « régaliens » (Défense, Affaires étrangères). Un gouvernement également marqué par la participation de l’extrême droite qui, pour la première fois depuis la chute du régime militaire (1974), se voit attribuer un ministère (Transports et Travaux publics) et trois secrétariats d’État. Mais, bien plus que ces manœuvres politiciennes, ce sont les pressions des gouvernements allemand et français et de ce qu’on appelle les « marchés » qui ont permis d’aboutir à ce résultat. Ancien vice-président de la Banque Centrale Européenne (BCE), de 2002 à 2010, Papadémos, membre de la Commission Trilatérale, fut directeur de la Banque Centrale de Grèce entre 1994 et 2002 et, de ce fait, l’un des architectes de l’entrée de la Grèce dans l’euro, aux côtés de son mentor en politique, l’ancien Premier ministre socialiste « moderniste » Costas Simitis, le principal architecte du néolibéralisme en Grèce et considéré comme particulièrement proche des milieux d’affaires allemands.

Autant dire qu’avec ce nouveau Premier ministre, ce sont de façon quasiment directe les milieux financiers européens, et secondairement grecs, ainsi que les pays du directoire de l’Union Européenne (UE) qui gouvernent le pays, au mépris de tout mandat populaire, à partir ce qui peut être considéré comme le premier « coup d’État blanc » conçu et mis en œuvre par cette même UE et les banquiers dont elle est le fondé de pouvoir. Les formulations de Marx à propos de la monarchie de Juillet, selon laquelle cette dernière est le « règne d’une fraction seulement de la bourgeoisie, l’aristocratie financière », et le régime tout entier une « société par actions pour l’exploitation de la richesse nationale »[1] retrouvent ainsi une nouvelle jeunesse. À ceci près que cette aristocratie financière est à présent essentiellement multinationale, et, pour ce qui concerne les pays du Vieux Continent, avant tout européenne, les spéculateurs et profiteurs d’aujourd’hui siégeant dans les conseils d’administration des banques (et institutions financières) allemandes, et françaises, ainsi que de la BCE[2].

Comment comprendre de façon plus profonde ce bouleversement spectaculaire du paysage politique, qui a vu en une dizaine de jours l’ex-Premier ministre Papandréou annoncer un référendum, se rétracter, gagner un vote de confiance au Parlement pour finalement démissionner et laisser la place à un gouvernement d’« entente nationale » aux ordres des financiers et de l’UE ? Précisons d’entrée de jeu ceci : contrairement à une impression largement répandue dans et par les médias internationaux, ce n’est pas l’annonce d’un référendum portant sur les décisions du sommet européen du 27 octobre qui a précipité les événements, mais la situation pré-insurrectionnelle dans laquelle la Grèce a plongé depuis les journées du 19 et 20 octobre et, de façon encore plus nette, depuis les émeutes qui ont accompagné les commémorations de la fête nationale du 28 octobre. C’est du reste précisément à cette situation que venait répondre l’initiative à haut risque, et qui s’est révélée fatale pour son sort, de Papandréou[3].

En ce sens, les derniers événements doivent être compris comme le prolongement logique des tendances qui sont apparues en juin dernier, lorsque la mobilisation du « peuple des places » atteignit un pic et déclencha la première phase de la crise politique[4]. Papandréou s’est alors placé pour quelques heures en position de démissionnaire à la recherche d’un accord de gouvernement d’« entente nationale » avec le dirigeant de l’opposition de droite Antonis Samaras. Si cet épisode s’est rapidement clos par un simple remaniement gouvernemental, il n’en a pas moins mis en évidence les trois principaux déterminants de la séquence qui débouche sur la situation présente :

– une montée des mobilisations, qui prennent l’allure d’une véritable soulèvement populaire,

– l’accentuation de la crise du système politique et sa transformation en crise de l’État,

– le rôle de type néocolonial de l’UE devenue acteur de premier plan de la scène politique du pays.

Une brève analyse de ces trois facteurs s’avère donc nécessaire, qui nous permettra d’aborder en conclusion la question des perspectives de la gauche radicale dans cette conjoncture nouvelle.

Le soulèvement populaire

La grève générale de 48 heures des 19 et 20 octobre a confirmé que le cycle de mobilisation entamé dès le vote, le 5 mai 2010, du Mémorandum entre le gouvernement grec et la désormais fameuse « Troïka » (UE, BCE, FMI) était entré dans une nouvelle phase. L’ampleur et la combativité des manifestations, leur diffusion dans l’ensemble du territoire[5], la composition sociale élargie des participants (salariés du public et du privé, chômeurs, jeunes, petits commerçants et entrepreneurs, retraités), mais aussi la préparation de ces deux journées par toute une série d’actions radicales aux formes souvent inédites (occupations de bâtiments publics, y compris des sièges de ministères et de préfectures, refus de payer les nouvelles taxes, grèves prolongées dans certains secteurs comme les éboueurs ou le personnel hospitalier), tous ces éléments dressent le tableau d’une mobilisation ouvrière et populaire ascendante, disposant d’importantes réserves et de l’appui majoritaire du corps social. Pour le dire autrement, ce à quoi nous avons assisté dans les rues d’Athènes et des villes du pays, c’est à la convergence du « peuple des places » du printemps dernier (dont la masse se composait d’électeurs révolté des deux « partis de gouvernement » (PASOK et ND) et du mouvement populaire organisé. Le renforcement du rôle joué par ses composantes traditionnelles, syndicales et politiques, a joué dans ce sens, notamment la mobilisation du Parti Communiste Grec (KKE) et de son front syndical (PAME). Sous la pression de sa base et de son environnement social, ce parti s’est démarqué de la routine qu’il affectionne, qui consiste à faire défiler ses propres cortèges de façon soigneusement distincte du reste des manifestants, et a voulu occuper le terrain de façon visible et prolongée, en organisant l’encerclement du Parlement le 20 octobre. Certes, il s’y est pris avec son sectarisme coutumier, refusant une fois de plus toute unité d’action avec les autres forces de la gauche radicale. Cela ne saurait toutefois en aucune façon justifier l’attaque militarisée, à visée meurtrière (cocktails molotov lancés contre le service d’ordre et les cortèges du PAME), dont il fut la cible de la part d’une partie de la mouvance Black Bloc et qui s’est soldée par la mort d’un ouvrier du bâtiment, militant du PAME, et par l’hospitalisation d’une quarantaine de manifestants issus de ses rangs, dont trois dans un état grave[6].

Malgré ces incidents, qui ont laissé un goût amer, une dynamique d’action de rue s’était mise en place, qui a resurgi lors des manifestations qui ont éclaté à l’occasion des commémorations du 28 octobre[7]. Des manifestations que l’on peut considérer comme l’équivalent sur le plan symbolique d’une « prise de la Bastille » à la grecque. En ce jour de confirmation des autorités de l’État dans leur rôle de représentant de la nation, appelée à défiler sous leur regard, celles-ci sont un peu partout chassées de leur place physique et symbolique, à savoir des tribunes officielles[8], aussitôt envahies par la foule. Une foule qui déclare de la sorte qu’elle est la seule incarnation légitime du tout social. Cette conquête symbolique de la place vide, ou plutôt vidée, du pouvoir par le peuple « en personne » s’est également exprimée par la multiplicité des significations qui ont marqué cette journée : slogans liant le « non » de 1940 avec la situation présente et assimilant les gouvernants actuels aux « collabos », reprise de chants de la Résistance et de la lutte contre la dictature des colonels, drapeaux allemands et de l’UE brûlés devant des foules en liesse. Comme a pu le constater le correspondant du Monde, « la journée s’est transformée en journée du non à la « Troïka » et à l’austérité »[9]. Tout cela indique que pour de larges secteurs sociaux émerge un récit national et populaire alternatif à celui du pouvoir, qui fait converger la dimension sociale et la dimension nationale de la protestation et relie le présent avec la mémoire populaire de la « longue durée » historique.

Un seuil symbolique a ainsi été franchi et il semble peu probable de voir la mobilisation retomber, même si sa reprise passera par une période d’adaptation à la situation nouvelle créée par le bouleversement au sommet de l’État. D’autant que la situation économique du pays, déjà dramatique, ne cesse d’empirer : le taux de chômage a officiellement atteint 18,4 %, mais est plus proche des 25 % dans la réalité, les salariés et les retraités ont perdu environ un tiers de leur revenu, les taxes exorbitantes récemment votées achèvent de saigner les ménages, les services publics sont en ruine, le taux de suicide, traditionnellement l’un des plus faibles d’Europe, a bondi de 40 % en un an, tandis que la situation sanitaire de la population se détériore de façon dramatique, comme le révèle une étude publiée dans la prestigieuse revue médicale The Lancet[10], qui conclut à une « tragédie grecque ». Dans ces conditions, il apparaît tout simplement impensable qu’un gouvernement s’apprêtant à administrer à une population exsangue une nouvelle potion d’austérité puisse espérer tenir dans la durée.

L’approfondissement de la crise politique

Par son ampleur et son aspect inédit, à savoir l’entrée en scène de masses jusqu’alors relativement passives et dépourvues de culture politique cohésive, le « mouvement des places » du mois de juin créait les conditions de la transformation de la crise économique et sociale en crise politique généralisée. Une crise que nous pouvons, en référence aux analyses de Gramsci, qualifier de « crise organique ». La montée en puissance de la protestation populaire révélait un moment de rupture des rapports établis de représentation entre les principaux groupes sociaux et leurs formes d’expression partidaire qui s’est traduite par « le passage soudain [de ces groupes] de la passivité politique vers une forme d’activité et de revendication qui, dans leur unité non-organique constituent une révolution ». Cette crise, poursuit le révolutionnaire italien, devient « une crise de pouvoir, et c’est en cela exactement la crise d’hégémonie ou crise de l’État dans son ensemble »[11].

Confronté à une situation de crise généralisée, le système politique tend à s’autonomiser des rapports de représentation et des règles de l’alternance parlementaire. Gramsci parlait de tendance au « bonapartisme » ou au « césarisme », qui peuvent s’imposer même « sans César, sans personnalité héroïque et représentative ». Dans un régime parlementaire, ces solutions prennent la forme de gouvernements de « grande coalition », qui lient de façon directe des intérêts économiques et sectoriels des classes dominantes avec des fractions du personnel politique détachées de leurs attaches partidaires antérieures. Différentes en cela du phénomène bonapartiste personnalisé et circonscrit au XIXe siècle, ces solutions offrent bien plus de souplesse, au prix cependant d’une instabilité chronique. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit de formes de construction d’un bloc de pouvoir qui contournent (ou altèrent très significativement) les médiations de type représentatif et la légitimation électorale, sans toutefois rompre explicitement avec le cadre parlementaire existant, même si elles peuvent, le cas échéant, préparer le terrain à une telle évolution[12].

C’est dans ce cadre qu’il faut situer le processus de constitution d’un gouvernement d’« entente nationale », tel que celui dirigé par Papadémos. L’idée était dans l’air depuis un certain temps, et elle fut brièvement testée, nous l’avons vu, en juin. Mais l’urgence d’une telle issue ne s’est imposée qu’avec la tournure explosive prise par la protestation populaire lors de la séquence insurrectionnelle qui s’est déployée entre le 19 et le 28 octobre. Des indices comme la paralysie quasi-complète de l’administration d’État, accentuée par la vague d’occupations de bâtiments publics, ou le soudain remplacement de la totalité de l’état-major militaire, qui ne faisait pas un secret de son opposition aux coupes budgétaires qui affectent profondément l’armée, ont également poussé en ce sens, révélant que le fonctionnement de la machinerie étatique était atteint en son cœur même.

Il est d’usage, dans de telles circonstances, que les pouvoirs chancelants prennent des initiatives qui finissent par répandre le feu qu’elles étaient censées contrôler, sinon éteindre. L’annonce d’un référendum par Papandréou, censé porter sur l’accord conclu lors du sommet européen du 27 octobre, était l’exemple-type d’un tel geste qui, indépendamment des intentions de son auteur, a néanmoins fonctionné comme un test de vérité pour le système politique grec et pour l’UE tout entière. Le défi lancé par le dirigeant du PASOK a semé la panique sur les places boursières et provoqué la colère du directoire franco-allemand, qui, de façon tout à fait explicable, bondit au seul énoncé du mot de « référendum », l’UE n’étant guère sortie grandie des précédents épisodes du genre, et ce dans des conditions incomparablement plus favorables que celles offertes par l’actuelle situation de la Grèce. L’humiliation subie par Papandréou au sommet de Cannes, sans précédent pour un dirigeant de pays européen, était la conséquence logique de cette fausse, car bien trop tardive, naïveté démocratique.

Sur le front intérieur, le geste de Papandréou, suivi de pressions directes exercées par les dirigeants européens, a sans doute davantage apporté le résultat escompté. Il a certes révélé que le Premier ministre sortant était contesté au sein de son propre parti « sur sa droite », par une aile d’intégristes néolibéraux regroupés autour de ce que l’on qualifie de « talibans du Mémorandum » ou de « troïka interne »[13], qui a immédiatement rejeté l’idée du référendum et mis en avant l’idée d’un gouvernement d’« unité nationale ». S’il a sapé un peu plus la cohésion de son propre parti, Papandréou a toutefois marqué des points face à l’opposition de droite. Placée devant la quasi-certitude d’une victoire du « non » aux accords du 27 octobre et du chantage exercé par l’UE (expliquant qu’un « non » équivaut à la sortie de l’euro), la droite a vigoureusement combattu la proposition de référendum. Mais, dans la foulée, elle s’est également vu contrainte de céder aux exigences de « consensus » formulées dès le début de la crise de la dette par les milieux d’affaires et les dirigeants européens. De son côté, l’extrême droite, championne dès le printemps 2010 d’une « entente nationale » pour mettre en œuvre de façon musclée la « thérapie de choc », s’est sentie triompher. Son leader, Giorgos Karandzaféris, s’est posé ouvertement comme le « parrain » du nouveau gouvernement d’« unité nationale », qui lui permet d’accéder à la respectabilité institutionnelle tant désirée. Les formations périphériques du centre-droit (la petite formation ultra-libérale et européiste Alliance Démocratique de Dora Bakoyanni, challenger de Samaras à la direction de la ND en novembre 2010) et du centre-gauche (la Gauche démocratique, issue d’une scission droitière de Synaspismos, et les écologistes) leur ont emboîté le pas, avec quelques réserves de forme pour ces dernières. La voie était de la sorte ouverte pour le processus qui a abouti à la constitution d’un gouvernement dirigé par le banquier Papadémos, incarnation naturelle d’un bloc au pouvoir entièrement dominé par les intérêts de la finance européenne.

L’UE en tant que puissance néocoloniale

Le rôle de l’UE dans cette affaire mérite assurément quelques remarques spécifiques. À supposer en effet qu’il subsistât encore en Grèce quelques apparences de souveraineté nationale et de fonctionnement démocratique, fût-il « formel », celles-ci appartiennent désormais à un passé révolu. La façon dont Papandréou fut contraint de se rétracter sur le référendum, après s’être vu dicter de la façon la plus humiliante les termes de la question qui serait posée (et même la date de sa tenue !), les conditions de son départ du pouvoir ainsi que les manœuvres qui se sont déroulées dans l’opacité la plus totale afin de constituer le gouvernement d’« entente nationale » constituent au sens le plus strict un « coup d’État blanc », le premier dont la conception et la mise en œuvre se sont faites sous la houlette de l’UE. Faut-il souligner à quel point ce gouvernement est dépourvu de la moindre légitimité démocratique, dans le sens le plus banal du terme, telle qu’elle s’est notamment exprimée dans le scrutin d’octobre 2009 ? Et pourtant, la tâche qui lui est explicitement confiée (application des accords du 27 octobre, avec des mesures d’austérité encore plus graves que toutes les précédentes, accompagnées de la mise sous tutelle permanente et de la vente à l’encan de la quasi-totalité du patrimoine public restant) engagera le pays pour les décennies à venir.

Deux éléments donnent une idée du radicalisme néolibéral qui anime Papadémos et ceux qui l’entourent. Dans un article publié simultanément dans le quotidien grec To Vima et le Financial Times le 23 octobre[14], l’actuel Premier ministre avait récusé la proposition de décote de 50 % de la dette grecque détenue par les banques et autres institutions privées, qui fut finalement adoptée par le sommet européen du 27 octobre, pour s’en tenir à la seule décote de 21 % prévue par le sommet du 21 juillet, sous la pression de Sarkozy, et quasi-unanimement jugée scandaleusement favorable aux banques et totalement insoutenable pour le pays. Mieux vaut donc miser sur la « générosité », ou le réalisme, d’Angela Merkel en matière de paiement de la dette grecque que sur l’actuel premier ministre. Par ailleurs, l’une des principales exigences de Papadémos et de ses soutiens européens, dans la lignée de leur refus obstiné du référendum, a consisté à écarter l’idée d’élections anticipées qui étaient pourtant l’une des conditions que Samaras et la ND avaient posé pour leur soutien à un éventuel gouvernement d’« unité nationale ». La confusion continue de régner à ce sujet, Samaras ayant de nouveau évoqué dans sa déclaration postérieure à la formation du gouvernement, la tenue d’élections le 19 février 2012, date qu’il avait initialement annoncée. Assumant pleinement la logique bonapartiste évoquée auparavant, Papadémos et l’UE ne veulent pas d’une simple équipe de transition, chargée d’une mission limitée. C’est bien d’un gouvernement de combat qu’ils entendent mettre en place, comme le souligne, sous couvert d’anonymat, l’un des anciens collègues du Premier ministre à la BCE : « À la tête du gouvernement grec, il [Papadémos] devra apprendre cependant à trancher durement, à faire des mécontents »[15]. Nul doute que, flanqué de ses ministres du LAOS et des zélateurs de la « troïka interne », il apprendra très vite…

Quoi qu’il en soit, les masques sont tombés : l’UE apparaît à présent pour ce qu’elle est, une menace mortelle pour les règles démocratiques les plus élémentaires, celles-là même du régime parlementaire libéral. Car il ne faut pas se tromper : la simultanéité des changements de gouvernement en Italie et en Grèce, la prise du pouvoir dans les deux cas par des fondés de pouvoir des banques, sortis des entrailles de l’UE (BCE pour Papadémos, Commission Européenne pour Monti), cultivant les liens directs avec les milieux d’affaires, n’a rien d’une coïncidence. Depuis que la crise des dettes souveraines a éclaté, la Grèce est bien un cobaye de la « thérapie de choc » que les classes dominantes sont décidées à mettre en œuvre, et cela, comme Naomi Klein l’a très bien vu[16], ne peut se faire dans le cadre politique et institutionnel existant (du moins pour les normes d’un pays d’Europe occidentale). Les « thérapies de choc » sont indissociables des « désastres », conduisant à l’instauration d’un « état d’urgence » de plus en plus banalisé. Et, dans le cadre européen des 27 pays qui en font partie, c’est bien l’UE, ses institutions et son directoire franco-allemand (plus allemand que français à vrai dire…) qui en sont les maîtres d’œuvre. Pourtant, au sein de la gauche européenne, y compris ses ailes radicales, on s’obstine à vouloir contourner cette réalité ou à ne pas en mesurer les conséquences[17], en cultivant par exemple l’illusion d’une « réformabilité » des institutions de l’UE ou d’un bouleversement sociopolitique simultané dans les principaux pays européens qui permettrait de se dispenser d’affronter la machinerie de l’UE en tant que telle.

L’impuissance paradoxale de la gauche radicale grecque

Depuis le début de la crise de la dette, la gauche radicale grecque se trouve dans une position paradoxale. Elle se renforce sur le plan électoral, partant d’un niveau qui est déjà le plus élevé d’Europe (cf. encadré, plus bas). Ses militants sont très actifs dans les mobilisations, même si le « mouvement des places » a révélé ses difficultés à s’ouvrir à des secteurs sociaux extérieurs à ses sphères traditionnelles d’influence. Pourtant, elle peine à intervenir politiquement dans la situation, à proposer une alternative crédible aux politiques barbares mises en œuvre et rejetées par la quasi-totalité de la société. Elle n’arrive pas de ce fait à dégager une issue politique à la vague de colère populaire, qui risque de connaître une trajectoire « argentine » : un soulèvement populaire capable de faire chuter le pouvoir en place mais dépourvu de solution politique de rechange.

Deux facteurs pèsent d’un poids particulier dans cet état de fait. Tout d’abord la profonde division, plus exactement l’ambiance de guerre intestine, qui règne entre ses deux principales composantes : le Parti communiste (KKE) d’une part, engoncé dans une ligne sectaire et nostalgique du passé stalinien, qui reste la force dominante aussi bien sur le plan électoral que militant, et la Coalition de la gauche radicale (Syriza), de l’autre, qui prône une démarche unitaire mais qui peine à trouver une cohérence interne entre ses multiples composantes et tendances et tend à se replier sur une proposition d’unité « a minima », basée sur un simple refus de l’austérité. Nécessaire à l’unité d’action et à la mise en avant de revendications immédiates, de type syndical, une telle base s’avère toutefois insuffisante quand se pose la question d’une alternative de pouvoir.

Placées devant ce redoutable défi, ces formations ont le plus grand mal à formuler des propositions précises et un tant soit peu audibles sur les questions-clés où se jouent la légitimité des politiques menées et la possibilité d’une autre logique, à savoir la dette et la question de l’euro et, plus largement, des rapports avec l’UE. La ligne majoritaire au sein de Syriza, et surtout de sa principale composante, Synaspismos, est de proposer une renégociation de la dette dans le cadre de l’UE et de la zone euro, en évitant la cessation de paiement. La question de l’euro ou de la structure antidémocratique et néocoloniale de l’UE sont minimisées et/ou renvoyées à un futur indéterminé, lorsqu’un « mouvement social européen » aura changé la donne au niveau de l’UE toute entière, ou du moins de son noyau. Ces propositions, faut-il préciser, paraissent en complet décalage par rapport à la situation, peu crédibles et suscitent une opposition interne croissante.

Devant cette impasse, des courants importants de Synaspismos (le « Courant de gauche » dirigé par l’actuel porte-parole parlementaire de Syriza Panagiotis Lafazanis[18]) ainsi que d’autres composantes de Syriza regroupées dans le Front pour la Solidarité et la Rupture (dirigé par l’ancien président de Synaspismos Alekos Alavanos) haussent le ton et rompent avec le consensus européiste. Ils prônent une renégociation de la dette « à la Kirchner », menée sous la pression d’une cessation de paiement à l’initiative du pays emprunteur, accompagnée d’une sortie de l’euro et d’une véritable nationalisation du secteur bancaire, qui permettraient une dévaluation de la monnaie et une sortie de la logique de la « dévaluation interne » (fondée sur la baisse drastique du coût du travail) imposée par les cures d’austérité. En plus des arguments économiques, une rupture avec l’euro et la logique des institutions européennes, sans sortie immédiate de l’UE, est également jugée nécessaire pour des raisons politiques : comment sortir le pays de la tutelle où il se trouve actuellement et relancer un fonctionnement démocratique sans accepter un découplage, fût-il partiel, avec l’UE et le rétablissement de sa souveraineté nationale ? Cet agenda est du reste déjà défendu par le regroupement des forces de l’extrême gauche Antarsya, qui a connu quelques succès électoraux lors des régionales et municipales de novembre 2010 (cf. encadré, plus bas), et qui défend la cessation de paiement, la sortie de l’euro et la nationalisation des banques comme socle d’un programme de rupture anticapitaliste. Toutefois, malgré d’importantes convergences, un début de regroupement sur le front syndical[19], et une audience croissante dans le débat public, le « pôle anti-UE » de la gauche radicale peine à se coordonner et à acquérir une visibilité sur le terrain politique.

La situation paraît encore plus figée du côté du Parti communiste. Traditionnellement hostile à l’UE, partisan d’une sortie de la Grèce de l’Union, ce parti se montre pourtant très prudent sur ce terrain depuis le début de la crise, soulignant que tous ces problèmes, ainsi que celui de la dette, ne pourront être résolus qu’une fois « renversé le pouvoir du capital monopoliste » et instauré le « pouvoir populaire », sous la direction, naturellement, du parti. Cette rhétorique « gauchiste » sert en réalité à justifier une pratique quiétiste sur le plan des mobilisations, avant tout soucieuse de refuser toute forme d’unité d’action et accusant Syriza (et Antarsya) d’être des « forces opportunistes » jouant « le jeu de la bourgeoisie et de l’UE ».

En réalité, tout comme ceux de Syriza, les dirigeants du KKE manient un discours radical, mais désincarné, en ayant avant tout l’œil sur les sondages, qui créditent la gauche radicale de ses scores les plus élevés depuis les années 1970 (cf. encadré plus bas). Ils semblent se contenter de ce rôle de réceptacle passif de la colère populaire, rôle partagé qui crée entre eux une sorte d’étrange complicité, par-delà la virulence des polémiques. Pour le dire autrement, ce qui se trouve exclu dans les deux cas, quoique par des cheminements opposés, c’est l’idée d’une alternative qui se construit sur des objectifs transitoires et répond concrètement aux problèmes cruciaux posés par la crise : dette, appartenance à l’euro, modèle économique, refondation démocratique, indépendance nationale et rapports avec l’UE.

C’est cette complicité perverse qui explique que la proposition de référendum de Papandréou a mis dans un premier temps aussi bien Syriza que le KKE dans l’embarras, surtout lorsqu’il est apparu que se poserait la question de l’euro et d’une rupture concrète avec la cage de fer imposée par l’UE. Au lieu du référendum, qu’ils ont fini par soutenir en appelant à un vote « non », Syriza et le KKE ont préféré mettre en avant le mot d’ordre d’élections anticipées. Et ils continuent de le faire, espérant transformer en sièges les scores que leur accordent les enquêtes d’opinion.

Cette gestion routinière d’une situation extra-ordinaire, dans tous les sens du terme, s’avère toutefois grosse de dangers. La formation du gouvernement Papadémos, qui scelle le front unique des classes dominantes grecques et européennes, place la gauche radicale grecque au pied du mur. Loin d’être une force marginale, condamnée à un rôle de témoignage, elle se voit désormais investie d’une responsabilité proprement historique : construire un front social et politique en mesure de relever le défi lancé par un adversaire déstabilisé mais d’autant plus dangereux, prêt à toutes les aventures. Si elle se dérobe, et s’avère incapable de changer la donne, elle pourrait fort bien être balayée de la scène, comme l’ont été toutes les forces politiques, y compris de la gauche radicale, dans les pays qui ont déjà subi la « stratégie du choc ».

Cette responsabilité est du reste loin d’être une responsabilité uniquement nationale. Dans un article retentissant, publié en juin dernier dans le New York Times, l’historien britannique et spécialiste d’histoire grecque contemporaine Mark Mazower, rappelait à tou·tes celles et ceux qui n’ont d’yeux que pour la gloire des Anciens, qu’au cours des deux derniers siècles la Grèce moderne s’est retrouvée à plusieurs reprises « à la pointe de l’évolution européenne »[20]. En s’engageant dans une guerre d’indépendance, que les Grecs eux-mêmes ont toujours appelé la « Révolution de 1821 », ils furent les premiers à ébranler l’ordre de la Sainte Alliance. Par leur « non » de 1940, leurs victoires contre les troupes de Mussolini et leur lutte massive contre l’occupant, ils ont été aux avant-postes du combat antifasciste. En se soulevant, il y a trente-huit ans, contre la dictature des colonels, ils ont montré la voie à d’autres peuples, du Sud européen ou d’Amérique latine, qui subissaient une oppression comparable. Il se pourrait donc que, renouant avec ce fil qui traverse son histoire moderne, la Grèce donne une fois de plus le signal du soulèvement européen contre l’oppression, cette fois contre la dictature des financiers, des affairistes et de leurs pathétiques commissaires politiques.

Stathis Kouvélakis est enseignant en philosophie politique au King’s College de l’université de Londres.

Les forces politiques en Grèce : résultats électoraux et tendances récentes

Les dernières élections législatives ont eu lieu en octobre 2009. Le PASOK en est sorti vainqueur avec 44 % des voix, l’un de ses meilleurs résultats depuis les années 1990, et 160 sièges (sur les 300 que compte le Parlement). À noter que dix députés ont déserté les rangs du PASOK depuis le vote du mémorandum conclu entre le gouvernement et la Troïka (BCE, UE, FMI), en mai 2010, dont sept ont gardé leur siège, ce qui porte les effectifs du groupe parlementaire du PASOK à 153 députés, qui correspond aux voix reçues par le gouvernement sortant de Papandréou lors du vote de confiance du 4 novembre.

La Nouvelle Démocratie (droite) a obtenu 33,4 % des voix, le plus mauvais résultat de son histoire. Avec 5,6 %, l’extrême droite du LAOS (Rassemblement Populaire Orthodoxe) a progressé sensiblement depuis les élections précédentes (+1,8 %).

Les écologistes, qui affichent un profil « centre-gauche moderne », social-libéral sur les questions économiques, ont obtenu 2,53 %.

À gauche du PASOK, le Parti Communiste (KKE) a obtenu 7,6 %, en recul de 0,6 % sur les résultats de 2007, et la Coalition de la gauche radicale (Syriza) 4,6 %, en recul de 0,4 % sur les résultats de 2007. Syriza regroupe une dizaine de composantes (qui vont du maoïsme au trotskisme en passant par des sensibilités « mouvementistes ») dont la principale est Synaspismos (Coalition de gauche), issue de deux scissions successives du KKE (1968 et 1991). À noter qu’une bonne partie des organisations de la gauche radicale et de l’extrême gauche grecque sont également issues de scissions ou de départs collectifs du KKE.

L’extrême gauche a présenté trois listes, totalisant 0,7 %. La principale composante, Antarsya (0,36 %), est un regroupement d’une dizaine d’organisations, qui a enregistré des résultats souvent significatifs lors des élections municipales et régionales de 2010 (notamment 2,3 % dans la région capitale et 3 % dans la ville d’Athènes). Ces élections ont été d’une manière générale marquées par une poussée de la gauche radicale, essentiellement du KKE, qui est passé de 10 à 14,4 % dans la région capitale (Athènes-Pirée et leurs banlieues), qui regroupe un tiers de l’électorat total, et atteignit 11 % des voix exprimées au niveau national.

Actuellement, les sondages font apparaître une large défiance de l’électorat vis-à-vis des partis politiques, un tiers environ des personnes interrogées refusant d’indiquer une préférence, et une nette tendance à la fragmentation du paysage politique. Sur la base de projections effectuées à partir des réponses données par les personnes indiquant un choix, la fourchette des estimations est de 18 à 22 % pour le PASOK, de 30 à 33 % pour la ND et de 6 à 8 % pour le LAOS, auxquels il convient d’ajouter les 2 % dont est habituellement créditée l’organisation néonazie Aurore Dorée (qui a obtenu 5 % à Athènes aux municipales de 2010).

Les petites formations de centre-gauche, sont créditées de 3 à 4 % pour les écologistes, et de 3 à 5 % pour la Gauche démocratique, créée par des dissidents de Synaspismos qu’ils accusent de « dérive gauchiste ». Syriza est estimé entre 7 et 10 %, le KKE de 10 à 13 % et Antarsya entre 1 et 2 %. Sur la base de ces estimations, aucun parti n’obtiendrait de majorité en sièges au Parlement.

[1] Marx ajoutait ceci, qui sonne étrangement actuel : « l’endettement de l’État était d’un intérêt direct pour la fraction de la bourgeoisie qui régnait et légiférait par l’intermédiaire des Chambres. En fait, le déficit de l’État était l’objet même de sa spéculation et la source principale de son enrichissement. À la fin de chaque année, nouveau déficit. Au bout de quatre ou cinq ans, nouvel emprunt. Et chaque nouvel emprunt offrait à l’aristocratie financière une nouvelle occasion d’escroquer l’État, qui, maintenu artificiellement au bord de la banqueroute, était obligé de négocier avec ses banquiers dans les conditions les plus défavorables », Karl Marx, Les luttes de classes en France, « Folio », Gallimard, 2002, p. 11-12.

[2] Selon les données disponibles, qui portent sur 300 milliards d’un total de 360 milliards d’euros de la dette souveraine du pays, 146 milliards, soit près de la moitié, sont détenues par les banques et institutions financières de l’UE, auxquels s’ajoutent 42 milliards détenus par le FMI et les banques hors UE, le reste, soit environ un tiers de la dette totale, dont l’allocation est connue étant détenue par des banques et autres institutions grecques. Cf. Research on Money and Finance, Breaking Up ? A Route Out of the Eurozone Crisis, novembre 2011, p. 71. Document disponible sur http://www.researchonmoneyandfinance.org.

[3] Le correspondant de Libération l’a bien vu : « la décision de Papandréou […] est le résultat d’une érosion inéluctable du gouvernement, qui, après deux années d’une très sévère politique d’austérité, se trouve confronté à une pression insoutenable. Dans la rue, comme en témoignent les grèves quotidiennes dans divers secteurs de l’économie et les immenses cortèges de manifestants qui bloquent régulièrement les rues d’Athènes, ou au Parlement, où la contestation a progressivement gagné les rangs du PASOK », Philippe Cergel, « Papandréou, un pari fou », Libération, 2 novembre 2011.

[4] Sur ce moment cf. Stathis Kouvélakis, « Le chaudron grec », 20 juin 2011, disponible ici : http://alencontre.org/europe/le-chaudron-grec.html.

[5] Selon les estimations les plus sérieuses, les manifestations ont rassemblé environ 300 000 personnes à Athènes et au moins un demi-million dans l’ensemble du pays (qui compte 10,5 millions d’habitants). Les cortèges étaient particulièrement imposants dans les villes de province et la grève a paralysé l’ensemble du secteur public et la plupart des grandes entreprises. La quasi-totalité du petit commerce et une bonne partie des PME s’étaient joints au mouvement à l’initiative des patrons.

[6] Dimitris Kotsaridis, secrétaire de l’Union Locale de Vironas (banlieue d’Athènes) du Syndicat des Ouvriers du Bâtiment, 53 ans, est sans doute décédé suite à des problèmes cardiaques probablement déclenchés par les gaz lacrymogènes lancés par la police dans la confusion qui a suivi les incidents. L’enquête sur les circonstances de son décès est en cours.

[7] La fête nationale du 28 octobre commémore le « non » du gouvernement grec à l’ultimatum lancé par Mussolini en 1940. Lors de la guerre gréco-italienne qui s’en est suivie, les troupes grecques, galvanisées par un esprit de résistance venant d’en bas, ont remporté des victoires éclatantes sur le territoire albanais, les premières des forces antifascistes lors du conflit mondial. Il a fallu l’attaque de la Wehrmacht au printemps 1941 pour faire fléchir la résistance grecque et aboutir à l’occupation du pays par les armées de l’Axe. Cette journée est commémorée par un défilé militaire, prévu cette année à Thessalonique, et par des défilés de lycéens et de corps civils dans l’ensemble des communes du pays.

[8] Y compris le président de la République, Karolos Papoulias, personnage symbolique, issu de la vieille garde du PASOK et plutôt respecté. Son départ des tribunes officielles à Thessalonique a entraîné l’annulation du défilé militaire, mais les lycées, les cortèges de civils et les réservistes ont défilé, souvent poing levé, sous les acclamations de la foule.

[9] Alain Salles, « Le coup de poker de Georges Papandréou », Le Monde, 2 novembre 2011.

[10]Cf. Alexander Kentelenis et alii, « Health Effects Of Financial Crisis : Omens of a Greek Tragedy », The Lancet, vol. 378, n° 9801, 22 octobre 2011, p. 1457-1458, disponible ici : http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2811%2961556-0/fulltext.

[11] Les citations de Gramsci sont extraites du cahier 13, § 23. Cf. Antonio Gramsci, Cahiers de prison. Cahiers 10, 11, 12, 13, Gallimard, 1978.

[12] Le cas typique étant sans doute celui des cabinets Brüning dans la république de Weimar finissante, qui ouvrirent la voie à la prise du pouvoir par les nazis.

[13] Il s’agit du groupe constitué par les ministres de l’Éducation Anna Diamantopoulou, de la Santé Andréas Loverdos et du vice-ministre de la Défense Giannis Ragousis. Dans une tribune commune publiée le 16 octobre, ils ont défendu une mise en œuvre intégrale et musclée des paquets d’austérité, prôné une ligne d’affrontement assumé avec le mouvement syndical (« les corporatismes sont notre adversaire »), ainsi qu’avec ceux qui ne défendent que de façon « tiède » les mesures adoptées, et laissé planer des menaces quant à un éventuel « massacre » si l’« autorité de l’État » n’était pas rapidement rétablie.

[14] Cf. Lucas Papademos, « Forcing Greek Restructuring Is Not The Answer », The Financial Times, 23 octobre 2011.

[15] Propos cités in Clément Lacombe et Allain Salles, « M. Papadémos désigné premier ministre en plein chaos politique et économique », Le Monde, 12 novembre 2011.

[16] Cf. Naomi Klein, La stratégie du choc. La montée du capitalisme du désastre, Actes Sud, 2008.

[17] Cf. Antoine Schwarz, « La gauche française bute sur l’Europe », Le Monde diplomatique, juin 2011.

[18] Ce courant a recueilli 31 % des voix des délégués lors du 6e congrès du parti en juin 2010. Il est largement majoritaire parmi l’aile syndicale. Trois députés sur neuf, ainsi que l’élu de Syriza au parlement européen sont affiliés à ce courant.

[19] Il s’agit de l’Initiative des Syndicats de Base et des Comités de Citoyens, un réseau de syndicalistes, élargi à des militants de quartiers et des initiatives citoyennes, qui réunit les syndicalistes du Courant de gauche de Synaspismos, ceux d’Antarsya et ceux du Front pour la Solidarité et la Rupture. Ses cortèges servent de point de convergences aux ailes combatives du mouvement syndical.

[20] Mark Mazower, « Democracy’s Cradle, Rocking the World », disponible sur http://www.nytimes.com/2011/06/30/opinion/30mazower.html.

Avec le peuple grec, luttons ensemble contre la dictature des marchés !

novembre 15, 2011 by

Le 17 novembre 1973, la jeunesse grecque s’est révoltée contre la dictature des colonels, ouvrant la voie à la chute du régime. Cette date symbolise désormais en Grèce l’aspiration du peuple à prendre son destin en main et la lutte contre l’arbitraire.

Cette lutte est aujourd’hui plus que jamais d’actualité, face aux diktats imposés par les marchés financiers par l’intermédiaire du FMI, de la BCE et de l’UE. Le nouveau gouvernement, incluant l’extrême droite, et avec à sa tête l’ancien vice-président de la BCE, n’est que la marionnette de cette « troika ».

Depuis 3 ans, les plans d’austérité et de privatisation, censés « sauver » la Grèce, se sont succédés et ont plongé le pays dans une catastrophe économique et sociale sans précédent. Le chômage atteint 18,1% de la population, plus de 40% chez les jeunes. Les salaires ont diminué en deux ans de plus de 40%, et les écoles, les hôpitaux ferment les uns après les autres.

Ces destructions sociales sont justifiées par le poids de la dette grecque, dont le peuple serait seul responsable. Par exemple :
Les grecs seraient paresseux… alors que les dernières statistiques européennes montrent que le temps de travail est plus élevé en Grèce qu’en Allemagne ou en France.
Les fonctionnaires grecs seraient des fraudeurs… alors que leurs impôts sont prélevés à la source.

Ce discours aux relents racistes occulte le caractère illégitime de cette dette, qui profite principalement :
aux grandes banques qui se sont enrichies en spéculant massivement sur la dette grecque ;
aux grandes entreprises européennes d’armement ou de travaux publics, qui ont bénéficié de la « bienveillance » de politiciens corrompus ;
aux riches grecs, qui bénéficient d’exonérations d’impôts et pratiquent l’évasion fiscale.

…et certainement pas à l’ensemble de la population.

Présentés comme des « sauvetages », les plans européens imposés à la Grèce ne permettent pas de rompre avec le cercle vicieux de l’endettement ; ce n’est pas au peuple grec qu’ils viennent en aide, mais à ces secteurs qui ont profité et profitent de l’arnaque de la dette.

Cette arnaque est mondiale, et la Grèce en est le laboratoire : comme partout en Europe, la dette illégitime justifie les reculs sociaux et démocratiques. En France, le plan Fillon en est un nouvel exemple.

Pourtant, malgré la violence de la répression, la Grèce est aussi un laboratoire pour les résistances qui se développent dans le monde, depuis Madrid jusqu’à Wall Street. S’opposer aux politiques d’austérité en France ne va pas sans l’expression d’une solidarité avec le peuple grec.

Nous appelons donc à un rassemblement contre la dictature des marchés en ce jour symbolique du 17 novembre à 19h, au 43 Rue Saint-Denis devant la fontaine des innocents à Paris.

Premiers signataires: Aitec-IPAM, Alternatifs, Attac, CADTM, EELV, Fondation Copernic, FSC, Initiative des étudiants et travailleurs grecs à Paris, MPEP, NPA, PCF, PG, PRCF…

solidarité avec le peuple grec le 17 novembre

novembre 15, 2011 by

à l’intention des association, syndicats, organisations et partis politiques

L’insurrection populaire du 17 novembre 1973 – connue en tant qu’insurrection de l’École Polytechnique d’Athènes – a marqué le début de la fin de la dictature des colonels. Depuis, sa commémoration annuelle donne lieu à des grandes manifestations à la mémoire des victimes, tombées pour la restauration de la démocratie et contre l’impérialisme.
Au jour d’aujourd’hui, pendant que le peuple grec se trouve confronté à la dictature des marchés et aux diktats de la Troïka (FMI, BCE, Commission U.E.), la commémoration du 17 novembre prend un aspect doublement symbolique.

L’Initiative des étudiants et des travailleurs grecs de Paris vous sollicite par le présent courriel à une réunion de préparation la plus large possible, afin d’envisager ensemble l’organisation d’un rassemblement de solidarité au peuple grec, le jeudi 17 novembre, à un lieu central de Paris.

Votre participation et votre soutien (logistique et moral) sont indispensables pour que ce rassemblement puisse envoyer un signal fort de solidarité entre les peuples.
Nous vous prions de diffuser largement cette invitation auprès de vos réseaux et contacts, et nous vous en remercions d’avance.
Bien fraternellement.

Suspendre immédiatement le paiement de la dette, une question de survie pour la Grèce

novembre 15, 2011 by

le 11 novembre 2011, par Renaud Vivien, Yorgos Mitralias

Un gouvernement d’union nationale vient de se former en Grèce avec comme premier Ministre Loucas Papadimos, ancien vice-président de la Banque centrale européenne (BCE). La priorité de ce nouveau gouvernement est de défendre le « plan de sauvetage » européen élaboré le 27 octobre à Bruxelles. Cette soumission des autorités grecques à leurs créanciers, en plus de constituer un déni démocratique supplémentaire à l’égard du peuple qui continue à se mobiliser contre les plans d’austérité à répétition, risque bien d’entraîner tout le pays dans un suicide collectif.

Une dette en partie illégale

Comme le souligne la Commission (citoyenne) grecque d’audit sur la dette publique, l’accord du 27 octobre ne résout pas le problème de la dette, mais au contraire donne lieu à de nouveaux fardeaux. La restructuration de la dette prévue dans le plan de sauvetage entraînera notamment, une fois encore, la réduction des retraites, des allocations sociales et des salaires ainsi que des licenciements massifs de travailleurs du secteur public, appauvrissant encore davantage le peuple grec. L’objectif officiel serait de réduire la dette publique à 120% du PIB à l’horizon 2020, ce qui ne lui enlèvera pas son caractère « insoutenable ». En effet, si ce niveau était « soutenable », pourquoi l’Italie qui affiche le même ratio est-elle sommée par la Troïka (Banque centrale européenne, Commission européenne et FMI) de réduire sa dette ?

Pour la Commission grecque d’audit sur la dette publique, il ne faut rien attendre des créanciers. La suspension unilatérale du paiement de la dette publique combinée à l’audit sont d’une nécessité vitale. Cet audit, qui doit être démocratique (placé sous le contrôle de la population), permettra de faire la lumière sur la partie de la dette illégale, illégitime et non conforme à la Constitution. Rappelons, en effet, que les dettes contractées depuis 2010 à l’égard de la Troïka sont issues d’accords odieux qui violent de façon manifeste la Constitution, notamment en supprimant le salaire minimum légal.

Aujourd’hui, la population grecque est en situation de détresse. En octobre 2011, le taux de demandeurs d’emploi a atteint 22%, culminant à 40% chez les jeunes. Les contrats à temps plein sont convertis en contrat à temps partiel ou soumis au chômage partiel, avec d’importantes réductions de salaire. Sur une période de 1 à 4 mois, un tiers des salariés du privé n’a pas été payé ; des dizaines de milliers d’entreprises ont déjà mis la clé sous la porte (14 000 au premier trimestre 2011) tandis que d’autres sont actuellement en procédure de liquidation judiciaire. A cette crise économique et sociale s’ajoute aujourd’hui une crise sanitaire. Selon Médecins sans Frontières, 30% des Grecs se soignent dans des cliniques de rue (contre 5% auparavant). Certaines entreprises pharmaceutiques refusent même de livrer certains hôpitaux, de peur de ne pas être payées. Les retraités, les chômeurs, les sans-abri, les personnes touchées par le VIH et la tuberculose sont privés de couverture maladie. A ceux-là s’ajoutent les 22% de la population active non déclarée, qui n’ont donc aucune couverture sociale. Les coupes dans certains budgets liés à la santé comme l’assistance sociale et le traitement de certaines maladies peuvent aller jusqu’à 80% |1| !

Dans ces conditions, refuser de rembourser la dette publique pour donner la priorité aux droits du peuple grec n’est plus un choix mais une nécessité. La députée grecque Sofia Sakorafa l’a d’ailleurs clairement exprimé le 3 novembre dans l’enceinte du Parlement : « Plus que jamais, il est nécessaire de construire un mouvement social avec comme axe principal la survie économique et social de notre peuple et comme instrument la cessation des remboursements de cette grande partie de la dette qui est illégitime ».

Un état de nécessité

Mais est-ce qu’un gouvernement peut légalement décider de ne pas rembourser sa dette au motif que sa population est en danger ? Oui, car l’argument juridique de l’état de nécessité le justifie pleinement. L’état de nécessité correspond à une situation de danger pour l’existence de l’État, pour sa survie politique ou sa survie économique. La survie économique se réfère directement aux ressources dont un État peut disposer pour continuer à satisfaire les besoins de la population, en matière de santé, d’éducation, etc. Le remboursement de la dette, l’application des mesures d’austérité et la perte souveraineté engendré par les accords conclus avec la Troïka mettent la Grèce en danger, dont la première obligation en tant qu’État est de respecter les droits humains de sa population.

En droit international, un des éléments fondamentaux de l’État est sa population. L’État a des obligations vis-à-vis de ses nationaux et des étrangers qui se trouvent sous sa juridiction. Cette obligation l’emporte sur tous les autres engagements pris par l’État comme ceux à l’égard de ses créanciers. Comme le souligne la Commission du droit international de l’ONU à propos de l’état de nécessité : « On ne peut attendre d’un État qu’il ferme ses écoles et ses universités et ses tribunaux, qu’il abandonne les services publics de telle sorte qu’il livre sa communauté au chaos et à l’anarchie simplement pour ainsi disposer de l’argent pour rembourser ses créanciers étrangers ou nationaux. Il y a des limites à ce qu’on peut raisonnablement attendre d’un État, de la même façon que pour un individu. »

Il est de l’intérêt vital de la Grèce d’utiliser l’argument de l’état de nécessité pour se libérer de l’emprise de ses créanciers. Le pays a les moyens de se passer de la prétendue « aide » accordée par ses créanciers en échange de sa docilité. D’une part, les 8 milliards d’euros espérés au titre de la sixième tranche du prêt de 2010 ne resteront pas dans le pays mais serviront directement à rembourser les créanciers de la Grèce ; d’autre part, ils ne pèsent pas lourd par rapport aux avoirs grecs placés à l’étranger, qui représentent des centaines de milliards d’euros. En plus du rapatriement de ses capitaux, d’autres mesures pourraient être prises comme la renationalisation (sous le contrôle des travailleurs) des secteurs stratégiques de l’économie, actuellement entre les mains de sociétés transnationales.

L’accord du sommet européen des 26-27 octobre 2011 est inacceptable

novembre 15, 2011 by

le 28 octobre, par Pascal Franchet, Yorgos Mitralias, Griselda Pinero, Eric Toussaint

L’accord intervenu à l’aube du 27 octobre 2011 n’apporte pas de solution à la crise de la zone euro tant sur le plan de la crise bancaire que sur celui de la dette publique souveraine ou de l’euro. Les décisions qui sont intervenues reportent les échéances sans résoudre les problèmes de manière satisfaisante. Le CADTM considère que cet accord est inacceptable.

Les chefs d’Etat et de gouvernement, les dirigeants de la Commission européenne, les patrons des banques privées et la directrice du FMI étaient réunis à Bruxelles afin de trouver une solution à la menace de faillites en chaîne qui pèse sur les grandes banques privées européennes, principalement françaises, espagnoles, grecques, italiennes, allemandes, portugaises, belges,… Celles-ci ont multiplié, avant et après 2007-2008, les comportements à risque afin de faire un maximum de profit à court terme pour satisfaire les appétits de leurs grands actionnaires et distribuer des bonus faramineux à leurs dirigeants et traders. Les prêts aux ménages et aux entreprises ne représentent qu’une part tout à fait marginale dans leur chiffre d’affaires : 2 à 5%. Le soutien massif qu’elles ont reçu de la part des Etats, de la BCE et de la Fed depuis 2007-2008 n’a pas servi à l’économie productive, il a été dévié vers des activités hautement spéculatives, notamment sur les titres des dettes publiques souveraines. Les banques privées se financent à court terme tout en prenant des engagements à moyen ou long terme : obligations d’Etat ou d’entreprises, marchés à terme de matières premières et de produits agricoles, swaps sur des devises et quantités de produits dérivés qui échappent à tout contrôle des pouvoirs publics. La faillite de la banque franco-belge Dexia du début du mois d’octobre 2011 est le résultat de cette politique. L’effet domino qui menace de se produire en Europe et outre atlantique a pesé fortement sur la réunion de la nuit du 26 au 27 octobre 2011.

La décision d’appliquer une décote d’un peu plus de 50% sur les titres grecs détenus par les banques alors que le sommet européen du 21 juillet n’avait prévu qu’une réduction de 21% était devenue inévitable depuis le mois d’août 2011 tant s’effondraient les prix sur le marché d’occasion des dettes. En effet, les titres grecs subissaient une décote de 65 à 80% sur le marché secondaire. Alors que les chefs d’Etat annoncent qu’ils ont imposé un sacrifice important aux banques, une fois de plus les banquiers s’en sortent très bien. C’est pour cela que provisoirement on assiste à un rebond des marchés financiers et à une remontée du cours de leurs actions en bourse.

Pour la Grèce, la décision du 27 octobre ne constitue en rien une solution favorable au peuple qui subit de plein fouet les effets de la crise aggravée par les politiques d’austérité qu’on lui inflige. L’opération actuelle est entièrement conduite par les créanciers et répond à leurs intérêts. Le plan actuel de réduction de dette est une version européenne du plan Brady qui a eu des effets néfastes dans les pays en développement au cours des années 1980-1990. Le Plan Brady (du nom du secrétaire d’Etat au Trésor états-unien de l’époque) a impliqué une restructuration de la dette des principaux pays endettés avec échange de titres. Les pays participants étaient l’Argentine, le Brésil, la Bulgarie, le Costa Rica, la Côte d’Ivoire, la République dominicaine, l’Equateur, la Jordanie, le Mexique, le Nigeria, le Panama, le Pérou, les Philippines, la Pologne, la Russie, l’Uruguay, le Venezuela et le Vietnam. A l’époque, Nicholas Brady avait annoncé que le volume de la dette serait réduit de 30% (en réalité, la réduction quand elle a existé a été beaucoup plus faible ; dans plusieurs cas, et non des moindres, la dette a même augmenté) et les nouveaux titres (les titres Brady) ont garanti un taux d’intérêt fixe d’environ 6%, ce qui était très favorable aux banquiers. Cela assurait aussi la poursuite des politiques d’austérité sous le contrôle du FMI et de la Banque mondiale. Aujourd’hui, sous d’autres latitudes, la même logique provoque les mêmes désastres. La troïka (BCE, CE, FMI) impose une austérité sans fin aux peuples grec, portugais, irlandais. Si la réaction ne vient pas à temps, d’autres suivront : Italie, Espagne, Belgique, France…

Ce plan ne permettra pas à la Grèce de s’en sortir valablement pour deux raisons fondamentales :
– 1. la réduction de dette est totalement insuffisante ;
– 2. les politiques économiques et sociales appliquées par la Grèce pour répondre aux exigences de la troïka fragiliseront encore un peu plus ce pays. Cela permet de caractériser d’odieux, les nouveaux financements qui seront accordés à la Grèce dans le cadre de ce plan ainsi que les anciennes dettes ainsi restructurées.

La Grèce est acculée à faire un choix entre deux options :

– se résigner et se soumettre à la troïka en passant à nouveau sous ses fourches caudines ;

– refuser les diktats des marchés et de la troïka en suspendant le paiement et en lançant un audit afin de répudier la part illégitime de la dette.

D’autres pays sont déjà ou seront bientôt confrontés au même choix : Portugal, Irlande, Italie, Espagne,… la liste est loin d’être exhaustive. De toute manière, partout dans l’UE, à des degrés divers, les mêmes politiques sont appliquées, partout il faut refuser les plans d’austérité et lancer des audits citoyens de la dette publique.

L’expérience de 2007-2008 n’a absolument pas amené les gouvernements à imposer des règles prudentielles strictes. Au contraire, il s’agit de prendre des mesures pour empêcher les institutions financières, banques, assurances, fonds de pension et autres hedge funds de continuer à nuire. Il est nécessaire de traduire en justice les autorités publiques et les patrons d’entreprises responsables directs ou complices actifs des débâcles boursières et bancaires. Dans l’intérêt de l’écrasante majorité de la population, il est urgent d’exproprier les banques et de les mettre au service du bien commun en les nationalisant et en les plaçant sous le contrôle des travailleurs et des citoyens. Non seulement il faut se refuser à une quelconque indemnisation des grands actionnaires, mais il convient en outre de récupérer sur leur patrimoine global le coût de l’assainissement du système financier. Il s’agit également de répudier les créances illégitimes que les banques privées réclament aux pouvoirs publics. Il faut bien sûr adopter une série de mesures complémentaires : contrôle des mouvements de capitaux, interdiction de la spéculation, interdiction des transactions avec les paradis fiscaux et judiciaires, mise en place d’une fiscalité qui a pour objectif l’établissement de la justice sociale… Dans le cas de l’Union européenne, il convient d’abroger différents traités dont ceux de Maastricht et de Lisbonne. Il faut aussi modifier radicalement les statuts de la Banque centrale européenne. Alors que la crise n’a pas encore atteint son apogée, il est grand temps de prendre un tournant radical. Le CADTM soutient, avec d’autres organisations, les intitiatives prises dans différents pays pour un audit citoyen de la dette. Le mouvement des Indignés et « Occupy Wall Street » ont déclenché une dynamique très créative et émancipatrice. Il faut la renforcer.

La Grèce au bord de l’état d’urgence

novembre 15, 2011 by

de LEONAS Aris, le 17 octobre 2011

Cet article a été diffusé juste avant le début de la grève de 48h qui a vu les manifestations les plus massives en Grèce depuis le début de la crise. La version anglaise originale est disponible sur ESSF (article 23206). La traduction française a dû être faite rapidement, elle est précise mais ne doit pas être considérée gravée dans le marbre. Dans cette dernière, les italiques sont des remarques de traduction.


En Grèce, de nombreux facteurs significatifs suggèrent qu’elle est à la veille de changements majeurs. La perturbation des opérations basiques de l’Etat, en conjonction avec la certitude largement répandue que la dette grecque est incontrôlable (rumeurs permanentes d’un défaut de paiement dans la période qui arrive) tracent le tableau d’une crise et d’une instabilité politique qui semblent être précurseurs d’une crise politique plus généralisée qui s’étendrait au reste des régimes du sud de l’Europe d’abord, et possiblement jusqu’au cœur de la Zone Euro, compte tenu de l’accélération des tensions de la crise financière et des désaccords entre les leaders actuels de la Zone Euro. Les jours restant avant le sommet des leaders européens du 23 octobre et le sommet du G20 durant la première semaine de Novembre sont cruciaux. Quelquechose doit céder, et rapidement. Et cela pourrait aller dans bien des directions différentes. Pour le meilleur, ou pour le pire. Des rumeurs, qui peuvent être vraies ou fausses, circulent sur la possibilité d’un déploiement en Grèce dans les prochains jours du personnel militaire de l’EuroGendFor (Force de Gendarmerie Européenne). Voir l’encadré ci-dessous pour une description plus détaillée.

D’un côté, il y a un niveau incroyable d’activité politique et de mobilisation de pans très larges de la société. Cela a continué à s’intensifier, à se massifier et s’inscrire dans une continuité pendant que la crise s’aggravait profondément depuis 2009. Ces mouvements ont suivi le schéma général suivant : fort mouvement étudiant et émeutes in 2006-07 avant l’annonce officielle de la crise de la dette grecque ; des semaines d’émeutes urbaines en Décembre 2008 par les jeunes en riposte à l’assassinat policier d’un adolescent ; des manifestations de masse ; 13 grèves générales depuis les négociations avec le FMI ; une forme plus politique du mouvement des indignés (comparé au mouvement similaire en Espagne) ; la dernière étape de cette série de résistances s’exprime par les occupations d’espace public et des grèves dans des industries stratégiques telles que le transport ou le rail.

D’un autre côté, ce haut niveau de mobilisation n’a pas stoppé ni même ralenti le rythme des mesures d’austérité, ni les privatisations en masse, et la répression s’accroît. La police répond à la contestation avec une extrême violence, et de plus en plus de grèves sont déclarées illégales. Malgré le haut niveau d’organisation, les gens font état d’un profond sentiment de désespoir et ne perçoivent pas clairement d’alternatives construites par le peuple. Il y a beaucoup de panique et un sentiment général d’effondrement économique, politique et surtout social. Tandis que le fonctionnement de la société se grippe de plus en plus, la reproduction des pans massifs de la société est de plus en plus difficile. Rein ne fonctionne, ni les services publics, ni le privé.

Les organisations politiques, telles que les partis de gauche ou des groupes du milieu anti-autoritaire ou anarchiste, subissent une énorme pression. L’accélération de la crise économique mène à une sérieuse crise politique et l’absence totale d’une alternative concrète est criante. Certaines voix du côté de la gauche commencent à murmurer le besoin de former un gouvernement de gauche constitué d’une large coalition des partis de gauche et de groupes plus petits. Cependant, ils sont incapables d’énoncer cette idée de manière à avoir un écho dans les luttes et les mouvements larges qui sont apparus de façon très soudaine et décentralisée. Cela en dépit du fait que ces partis sont potentiellement très fort, puisque ils font 26% dans les sondages, alors que le parti au pouvoir recueille 15%, avec 50% des votants qui déclarent l’intention de s’abstenir lors de toute future élection. Le panel des partis de gauche comprends : Syriza, une coalition de gauche née après le déclin des Forums Sociaux ; le Parti Communiste, un parti communiste traditionnel avec ses propres syndicats, qui sont largement critiqués pour leur réticence à rejoindre le reste de la gauche dans une sorte de coalition ; Antarsia, une petite coalition de groupes anticapitalistes ; et les Verts-Ecologistes, un parti relativement récent, lié aux Verts Européens.

Le peuple subit une pression énorme. De plus en plus de gens ne peuvent plus payer leurs impôts, rembourser leurs crédits ou même assurer la satisfaction de leurs besoins fondamentaux tels que l’électricité, la santé, le logement, etc. Le chômage augmente rapidement et est attendu à une moyenne de 25% au premier semestre de 2012. Des impôts élevés sont imposés via les factures d’électricité, l’économie s’est contractée rapidement, et la peur, même la panique, règne sur de larges parts de la population active. Tout ceci a créé une masse fluide de travailleurs licenciés et de salariés sur-exploités et paniqués. Ces gens ne sont pas connectés aux syndicats traditionnels (les syndicats qui pour la plupart sont traditionnellement rattachés à deux partis majeurs : le PASOK au pouvoir et Nea Dimokratia qui était au pouvoir jusqu’à une défaite aux élections de 2009). Le chômage et la précarité touchent les plus jeunes générations, qui sont forcées d’émigrer (principalement en Europe Centrale et du Nord, ainsi qu’en Australie ou au Canada). Cela est particulièrement vrai des travailleurs hautement qualifiés et des diplômés d’université.

Situation actuelle

Le niveau et l’intensité des luttes a rapidement augmenté depuis cet été et pendant les premières semaines d’octobre. La version grecque des Indignés (« Aganaktismenoi” en grec), qui s’est terminé sur des émeutes milieu juillet, semble avoir achevé son premier cycle d’existence, laissant derrière lui l’espace d’une large base d’interaction entre différents groupes et mouvements à travers le pays. Cela s’est exprimé sous la forme de nombreuses activités décentralisées et spontanées telles que des grèves et des occupations dans le secteur du public, des manifestations massives et des émeutes. Durant cette période, des nouvelles formes de comités de lutte ont émergé, augmentant en nombre de participants et montrant une volonté de s’unir autour de l’appel à la grève de 48h lancé par la Confédération Générale des Travailleurs (GSEE) et la Confédération des Fonctionnaires (ADEDY) pour les 19 et 20 Octobre. Bien que ces comités soient encore récents, ils se sont déjà avérés très stables. Ils sont tous différents tant par leur forme que par leur lieu de lutte (d’intervention), il y a des syndicats locaux sur les lieux de travail, des assemblées qui organisent des occupations, des assemblées de quartier qui organisent des luttes locales et se rassemblent lors des temps forts, comme les appels à manifester dans le centre d’Athènes.

Plusieurs nouvelles formes de lutte sont nées durant cette période. Cela inclut des occupations de (8) ministères et bureaux du gouvernement ; la perturbation des opérations à différents niveaux de l’Etat, des autorités locales jusqu’aux services de l’Etat tels que les impôts et les tribunaux ; l’occupation des infrastructures productives (moyens de transport public, voies ferrées, occupations par le puissant syndicat des travailleurs de la Compagnie Publique de l’Energie). Tous les jours des protestations plus petites perturbent aussi le fonctionnement normal de la vie sociale, économique et commerciale. Cependant, ce niveau de mobilisation n’a, jusqu’à maintenant, pas réussi à stopper ni même ralentir le rythme des mesures d’austérité, ni les privatisations massives. De plus, les efforts faits pour créer une organisation « parapluie » (=un cadre unitaire, une sorte de fédération ou confédération qui « chapeaute » et englobe les orgas, NdT) large et concrète rassemblant tous ces mouvements n’a, pour le moment, abouti à aucune forme d’institution nouvelle. Les partis de gauche, les militants et les travailleurs se rencontrent dans ces luttes de manière assez chaotique. Il devient de plus en plus important de s’assurer que ces comités qui ont émergé deviennent le centre de gravité légitime pour construire et défendre un pouvoir populaire de masse par la lutte.

Jusqu’à maintenant le gouvernement a tenté d’éviter une explosion d’en bas incontrôlable (comme les occupations en cours dans la Compagnie Publique de l’Energie, les grèves des éboueurs des collectivités locales). La répression grandit. Les manifestations sont traitées par des niveaux de violence policière de plus en plus élevés. De plus en plus de grèves sont déclarées illégales et des entreprises privées sont embauchées par le gouvernement pour assumer les tâches qui ne sont pas prises en charge du fait des grèves et des occupations dans le secteur public, etc. L’armée a même été appelée pour nettoyer les rues, puisque les éboueurs sont en grève.

Nous arrivons maintenant à un point critique, et ce n’est qu’une question de jours. Dans le temps restant avant les sommets mentionnés au-dessus, le mouvement par en-bas intensifie ses actions par les grèves et les manifestations à travers le pays. Dans le même temps où l’activité de masse s’accroît, le gouvernement prend de nouvelles initiatives par en-haut, apparemment en préparation de ce qui arriverait si le gouvernement démissionnait. Ces plans autour d’un état d’urgence amènent les mesures anti-démocratiques à des niveaux inédits.

Certaines initiatives du gouvernement montre que cette semaine est probablement la plus cruciale de cette période de crise en Grèce. De ce point de vue, on considère comme particulièrement important un article signé le Dimanche 16 Octobre par 3 ministres importants, et soutenu par le ministre des Finances V. Venizelos. Cet article appelle la peuple à suivre loyalement les politiques agréées par le FMI, et à établir le consentement de la majorité silencieuse contre la soi-disant minorité bruyante qui perturbe le fonctionnement politique du pays. Cet article a une tonalité incroyablement autoritaire et anti-démocratique, donnant à voir l’urgence de la situation. Un autre facteur important qui renforce l’image d’un gouvernement qui s’effondre est le nombre croissant de syndicats importants et le grand nombre de militants qui se retirent du PASOK, parti au pouvoir, de même qu’un de ses parlementaires. Les rumeurs vont bon train à propos des scénarios possibles de ces prochains jours, et il est quasi-impossible de séparer le vrai du faux. Cela comprends une rumeur comme quoi un genre de nouveau compromis politique et social anti-démocratique sera mis en place entre les partis de centre-droit, sous la forme d’un gouvernement d’unité nationale ou d’un gouvernement de technocrates ou d’un état d’urgence, etc, dans le but d’empêcher la menace d’un scénario encore pire, une menace qui reste non-dite par tous. On peut penser que cette menace que personne n’énonce clairement et que les autorités politiques établies ne comprennent que trop bien, est la menace d’une révolution par en-bas. La question du pouvoir politique est posée et la crise politique se résoudra dans les jours et les semaines à venir, dans un sens ou dans l’autre.

Ceci est un appel aux peuples en Europe et dans le reste du monde, appel à observer de près ce qui se passe en Grèce et à se tenir prêts pour les prochaines étapes du développement de cette crise politique, qui s’étendra bientôt, en toute probabilité d’abord au reste de l’Europe du Sud et ensuite à l’Union Européenne dans son ensemble. La crise politique en Grèce a mis environ 2 ans à atteindre son apogée et ce laps de temps a des chances d’être bien moindre dans les autres pays alors que que la crise européenne et globale s’accélère. Il n’y a pas de temps à perdre.

* NB : Ce texte est extrait d’un article plus long sur la crise globale et les résistances en cours d’écriture par Kolya Abramsky, qui explorera les questions posées par la lutte politique mondiale qui émerge, le dernier stade du développement de la crise ; les limites du réformisme politique ; le contrôle des moyens de production et reproduction stratégiques ; et la question de la force (du pouvoir ?). Nous espérions avoir maintenant fini ce long article, mais cela n’a pas été possible. Cependant, vu l’urgence de la situation en Grèce, et le fait que la situation peut changer radicalement dans les prochains jours, il a été décidé, en accord avec Aris Leonas qui est le principal auteur de ce texte sur la Grèce, d’envoyer cette partie séparément.

Les leçons de l’Argentine pour la Grèce

novembre 15, 2011 by

le 9 septembre par Claudio Katz

Les comparaisons de l’exemple argentin avec l’effondrement grec sont désormais incontournables. Les analystes tentent d’évaluer si les mesures adoptées par le premier pays amélioreraient ou au contraire aggraveraient la situation du second. Cette évaluation s’étend généralement à d’autres nations de la périphérie européenne comme le Portugal et l’Irlande. Les mouvements sociaux sont eux préoccupés par autre chose : quel enseignement l’expérience latino-américaine peut-elle apporter dans la bataille contre l’ajustement ?

Des sauvetages semblables

La Grèce subit le même drame que l’Argentine une décennie auparavant. Le gouvernement de l’Alliance |1| assurait la continuité des politiques néolibérales de Menem tandis que l’endettement explosif de l’Etat le poussait au bord de la cessation de paiements. Au cours des années 1990, la dette est passée de 84 à 147 milliards de dollars et le paiement des intérêts asphyxiait les finances publiques. Ces transferts au titre du service de la dette représentaient 3 fois les dépenses courantes, 6 fois celles liées à l’assistance sociale et 23 fois les montants destinés aux plans d’aide à l’emploi.

Des refinancements d’urgence avaient lieu périodiquement pour éviter le défaut de paiement. Les échéances étaient repoussées avec des crédits à taux usuraires (lors des processus connus comme blindajes |2|) et avec des échanges désespérés de titres pour postposer les paiements (mega-canje |3|). Les créanciers intégraient le caractère non viable de ces opérations entraînant le maintien du « risque pays » – qui mesure la vulnérabilité du débiteur – à des niveaux exorbitants |4|.

La Grèce s’achemine vers le même précipice avec un endettement total par rapport au PIB semblable à l’Argentine de l’époque et le recours aux mêmes plans pour venir en aide aux créanciers. Elle a accepté l’année dernière des mesures de sauvetage pour échapper à l’étranglement du au manque de liquidités et elle a à faire face aujourd’hui à une crise majeure d’insolvabilité.

Ce même contexte conduisit il y a dix ans l’Argentine à la catastrophe sociale (54% de pauvres, 35% de chômeurs et la famine pour les plus démunis). La régression sociale s’accentuait à chaque fois que le gouvernement voulait démontrer sa capacité de paiement aux créanciers. Les salaires ont été diminués et les impôts directs augmentés, ce à quoi il faut ajouter de nombreuses diminutions du budget de l’éducation et les élévations successives de l’âge de la retraite.

Les politiques grecs répètent les mêmes attaques : au cours de l’année écoulée, l’emploi public a diminué de 20%, les pensions ont baissé de 10% , la TVA a été augmentée et la santé et l’éducation ont été détruites sans ménagement.
Il y a 10 ans le gouvernement argentin avait déjà réalisé la majorité des privatisations de biens publics (compagnies pétrolière, d’électricité, de téléphonie et de gaz) et promettait d’accélérer les privatisations prévues (Banque nationale, entreprises publiques dans les différentes provinces, loterie, universités).

En Grèce, se préparent aujourd’hui les derniers détails d’un bradage massif des biens de l’Etat (Poste, ports, entreprises d’eau). Seule l’Acropole est pour l’instant exclue de cette grande braderie que certains capitalistes allemands voudraient étendre à des îles grecques.

Les mêmes fonctionnaires du FMI qui rédigent actuellement les mémorandums pour la Grèce, dirigeaient il y a une décennie des inspections périodiques dans le Cône Sud et sélectionnaient les actifs à mettre entre les mains des créanciers. Les mêmes sessions d’urgence du Parlement avaient lieu pour approuver des ajustements et une agence analogue avait même été imposée par le FMI pour contrôler la perception des impôts.

En Grèce, la stratégie des créanciers suit le même scénario. Il s’agit de récupérer tous les fonds possibles en reportant tous les sacrifices sur la population et en transférant des titres dévalorisés aux Etats. Cela leur permet d’assainir leurs bilans et de réduire les pertes occasionnées par l’impossibilité du recouvrement.

En Argentine, ce processus d’accaparement des ressources a duré plusieurs années avec des cycles d’interruption et de reprise des paiements. Alors qu’elles négociaient avec les gouvernements successifs, les banques obtenaient des flux élevés d’effectifs à travers la fuite illégale de capitaux. Depuis cette époque, les fonds expatriés représentent encore bien plus que la dette publique du pays.

Les financiers ont obtenu des bénéfices juteux au cours du processus de refinancement. Deux initiatives du gouvernement américain de restructuration des titres latino-américains leur ont en particulier permis de faire des bénéfices importants. Avec le Plan Baker, ils ont allégés la charge pesant sur les banques commerciales les plus exposées ; puis le Plan Brady leur a permis de compléter cet assainissement de leurs portefeuilles associant les fonds d’investissements à la mise sur pied d’un marché secondaire pour les titres problématiques. Les banques ont récupéré leurs bénéfices en comptabilisant dans leurs bilans les titres dégradés à leur valeur d’origine et en transférant les titres dont le recouvrement serait le plus difficile à des détenteurs marginaux.

Les entités du Vieux Continent essaient aujourd’hui de mettre en œuvre la même stratégie de restructuration. En mai 2010, un Fonds de stabilisation a été crée pour permettre le rachat par la Banque centrale européenne des titres concernés par la suspension de paiement avec des subsides élevés sur les taux d’intérêt.
Certains experts argentins qui avaient suivi de près ce même processus il y a 10 ans confirment la similarité de ces deux opérations mais ils estiment également que la situation actuelle des banques est beaucoup plus grave |5|.

Des impacts différents

La crise grecque est plus explosive que son précédent argentin en raison de l’ampleur des déséquilibres. Avec des pourcentages de passif total similaires, le déficit budgétaire de la Grèce est de 10,5% alors qu’il n’était que de 3,2% pour l’Argentine.

Les différences liées à la situation des créanciers sont encore plus significatives. Alors que les créanciers de l’Argentine ont disposé de plusieurs années pour « se refaire », les banques grecques mènent une course contre la montre en ce sens. Lorsque le défaut de paiement a eu lieu en Argentine, la majorité des banques avait déjà transféré leurs avoirs. C’est la raison pour laquelle le FMI a toléré la cessation de paiements. En revanche, la BCE rejette cette possibilité car les entités financières allemandes et françaises qui ont opéré des placements en Grèce sont toujours confrontées au problème des titres toxiques qu’elles possèdent dans leurs portefeuilles |6|.

De plus, il existe une inégalité majeure dans la gestion des deux crises. La dette argentine était gérée par une équipe du FMI étroitement supervisée par les Etats-Unis. Le passif grec est en revanche sous contrôle d’une BCE qui dispose de peu d’expérience de ce genre de situation. La Commission politique qui contrôle ce processus n’a qu’une faible autorité et n’agit pas face à un Etat européen unifié. Elle a démontré une faible capacité d’arbitrage pour trancher, par exemple, les divergences qui opposent l’Allemagne à la France |7|.

Les deux puissances étaient au début d’accord de faire intervenir leur Trésor public pour venir en aide à toutes les entités financières affectées jusqu’en 2013. Néanmoins, le rythme vertigineux de la crise oblige à accélérer l’absorption par l’Etat des pertes et à introduire une pénalisation partielle pour les banques. L’Allemagne est consciente qu’un sauvetage mené uniquement avec des fonds publics risque d’entraîner une catastrophe budgétaire. Elle réclame donc une participation des entités financières dans les opérations de sauvetage (sur leurs propres finances). La France s’oppose à cette sanction en invoquant le risque d’une décapitalisation de ces institutions.

Après de nombreuses escarmouches, un nouvel accord a finalement pu être trouvé pour financer le second paquet de « sauvetage » pour la Grèce. Ce programme suppose un engagement limité des banques pour traiter certaines pertes à travers un agenda volontaire d’échanges de titres à côté d’une nouvelle extension du fonds européen de sauvetage (FESF). Cette intervention permettra la mise en œuvre de nouvelles opérations destinées à la revalorisation des titres grecs (rachats, garanties, crédits).

Mais le fond du problème n’est pas résolu et les manœuvres destinées à savoir qui paiera les pots cassés se font surtout par les chantages exercés par les banques au moyen des agences de notation. Les conflits s’étendent entre les groupes de créanciers les plus exposés (qui acceptent l’introduction d’un impôt général pour pallier aux déséquilibres) et les financiers moins affectés qui rejettent cette contribution.

La crise argentine n’a jamais présenté un tel caractère dramatique. Des analystes rappellent le choc du « corralito » et évaluent la possibilité qu’il se reproduise aujourd’hui.

Au plus fort de leur crise en 2001, les banques argentines enregistrèrent un retrait massif de fonds que le gouvernement chercha à stopper en réquisitionnant les petites épargnes. Cette forme d’expropriation suscita un énorme émoi, mais sans déborder des frontières nationales.

La dette grecque est quant à elle étroitement liée au système financier européen et est libellée en euros. C’est la raison pour laquelle une hémorragie de retraits pourrait avoir une portée immédiate sur tout le continent. Les banques du Vieux Continent ne sont pas seulement confrontées au cauchemar de la dette publique mais elles ont de plus à faire face à de graves problèmes d’insolvabilités d’entreprises. Ce danger n’a pas été dissipé par les « preuves de résistance », sorte de stress test mis en place récemment pour simuler des situations de faillites. Cela préoccupe de nombreux experts du FMI qui comparent le scénario en cours avec le précédent argentin |8|.

Le fond du problème réside dans le fait que la crise grecque se déroule dans le contexte d’un endettement d’Etat critique dans tout le Premier monde |9|. Les passifs de la France, de l’Allemagne, du Japon et des Etats-Unis – qui représentent respectivement 81%, 80%, 220% et 91% du PIB de ces pays – empêchent la gestion de la dette de la périphérie européenne avec la même tranquillité que dans le cas argentin. Si à cette époque là, la dette était seulement un brasier pour les économies dépendantes, elle est devenue aujourd’hui une bombe à retardement placée au cœur des pays capitalistes avancés.

Le cercle vicieux de l’ajustement

Comme ça avait été le cas en Argentine en 2001, les insultes des gouvernements de droite pleuvent contre les Grecs. Ils présentent cette communauté comme un ensemble de feignants qui ont trompé les banques et dilapidé les énormes crédits reçus grâce à la bonne volonté des créanciers. Les fonctionnaires étasuniens de l’administration Bush diffusaient les mêmes fables afin de jeter le discrédit sur les Argentins.

Les médias dominants mènent campagne en propageant la croyance absurde que les Grecs jouissent d’un niveau de vie enviable sur le dos du Nord de l’Europe. Rien ne vient corroborer ce mythe puisque tous les indicateurs sociaux témoignent du caractère défavorisé de la Périphérie de la région |10|.

Avec cette inversion de la réalité, la propagande réactionnaire prétend démontrer que le refinancement de la dette grecque constitue une « aide de la communauté internationale » à l’associé qui s’est fourvoyé dans une mauvaise voie. Il en était de même vis-à-vis de l’Argentine. Ceux qui financent par le chômage, la pauvreté et la dégradation des salaires la survie des financiers sont présentés comme des profiteurs de la charité mondiale.

Ces caricatures masquent la manière dont les gouvernements viennent en aide aux capitalistes français et allemands qui, au cours des dernières décennies, ont fait d’énormes bénéfices sur les excédents générés en Europe du Sud. Les grandes entreprises étrangères actives en Argentine faisaient le même type de bénéfices au cours de la période de la principale réorganisation néolibérale. Ils ont d’abord affaibli l’industrie nationale à travers l’ouverture commerciale et se sont ensuite appropriés des portions croissantes du marché local.

La Grèce a subi le même type de dégradation après l’adoption de l’euro et l’entrée dans l’Union Européenne. Cette économie fragile a été livrée à la merci de la puissante compétitivité allemande et du déficit commercial qui en a résulté, financé par un endettement croissant |11|.

En réalité, aucun pays de la périphérie européenne ne peut résister à la supériorité dévastatrice des économies plus avancées qui ont profité de la création d’un marché continental unifié pour renforcer leur hégémonie. L’explosion des dettes privées des ménages et les bulles immobilières qui ont affecté les pays les plus vulnérables ont été alimentées par les excédents industriels des économies les plus puissantes. Comme l’Euro facilite particulièrement les affaires des industriels allemands, ce secteur se prononce actuellement pour le maintien de la Grèce dans l’Euro et est même favorable à un type de Plan Marshall destiné à financer de futures importations.

Si ces asymétries entraînent la fracture de la Zone Euro, on assistera alors à une répétition de ce qui s’est passé en Argentine, et dans d’autres économies latino-américaines, qui ont souffert dans leur chair les déséquilibres typiques de la relation centre-périphérie.

Les néolibéraux omettent ces déséquilibres lorsqu’ils exigent de plus grands sacrifices vis-à-vis des Grecs. Ils affirment que ces souffrances permettront de « récupérer la confiance des investisseurs » et de relancer à nouveau l’économie. Merkel répète cela chaque jour sans préciser quand l’ajustement prendra fin. Ces économistes se bornent à prévoir que la Grèce pourra à un moment donné sortir la tête de l’eau à condition de maintenir le corset de l’Euro et d’accepter les sacrifices déflationnistes.

Cette vision rappelle également ce qui s’est passé en Argentine. Il y a dix ans, l’économie de ce pays se trouvait pieds et poings liés à un régime de stricte convertibilité avec le dollar qui entraînait la diminution des recettes pour assurer le paiement de la dette. Lorsque ce système a éclaté, les ultra libéraux ont proposé de le renforcer via une dollarisation complète (comme en Equateur ou au Panama). Il s’agissait de mettre fin à la monnaie nationale pour retirer à l’Etat le dernier recours qu’il lui restait pour contrecarrer l’ajustement déflationniste.

Les partisans de cette solution mettaient en avant les mêmes arguments qui circulent actuellement en Grèce pour maintenir à tout prix la soumission à l’Euro.

Ils affirmaient que la dollarisation assurait la confiance dans la monnaie et l’afflux consécutif de capitaux externes requis pour refinancer la dette. Avec l’effondrement de la convertibilité, cette fantaisie est tombée aux oubliettes.

Il est évident que la politique déflationniste pousse n’importe quel pays vers l’abîme. Le PIB grec s’est effondré depuis le début de la crise et a connu une nouvelle chute de 5,5% au premier trimestre de cette année. Il est tout à fait opportun de rappeler que la récession argentine s’est poursuivie pendant 4 ans et que le PIB a chuté de 11% en raison de taux d’intérêt exorbitants qui frustraient toute tentative de réactivation.

Les néolibéraux ne peuvent actuellement présenter aucun scénario crédible de sortie de crise car les modèles qu’ils promeuvent sont moribonds. Personne ne se souvient des éloges qu’ils prodiguaient à l’Argentine au cours des années 1990, mais on se souvient mieux de ceux adressés au « modèle irlandais ». Ce dernier pays est passé par tous les calvaires qui sont actuellement imposés à la Grèce.

En Irlande, tous les grands secteurs de l’économie – de l’énergie aux télécommunications – ont été privatisés et on peut constater les conséquences de toutes les dérégulations promues par l’orthodoxie économique : faillites de banques, sauvetages par l’Etat, déficit budgétaire et une nouvelle séquence de suppressions d’emplois, baisses des salaires et augmentation des impôts indirects |12|. Le Portugal s’achemine également vers la même issue au fur et à mesure qu’un gouvernement conservateur tente de donner satisfaction aux banquiers en élevant sans cesse le niveau des attaques anti-sociales. Un Plan de sauvetage a déjà été mis en place au Portugal, qui se retrouve à nouveau sans réserves et qui négocie les échéances avec la corde que les financiers lui ont mis au cou |13|. On peut encore observer un autre cas de pression déflationniste extrême en Lettonie, économie située hors de la zone Euro. Depuis l’éclatement de la crise en 2009, le chômage est monté jusqu’à 23%, le PIB a chuté de 25%, les salaires du secteur public ont été réduits de 30% et les ¾ des travailleurs ont subi des baisses de salaire. Dans un climat de fermeture d’écoles et d’hôpitaux, l’émigration est devenue un phénomène massif |14|. Ces scénarios ne laissent aucun doute quant au caractère destructeur généré par le cercle vicieux de l’ajustement.

Inutilité des refinancements de la dette

La politique déflationniste est fréquemment mise en opposition à la poursuite des refinancements des dettes. On plaide pour le soutien du débiteur par de nouvelles émissions de bons, dans l’espoir d’alléger la future charge hypothéquant le pays. Une variante de ce type est promue par les partisans de l’expérience latino-américaine, avec un « Plan Brady européen » d’émission de titres à 20 ans supervisés par la BCE |15|.

Bien qu’elles semblent accorder une plus grande attention aux débiteurs, ces initiatives intègrent les mêmes exigences de privatisations et de réduction des dépenses sociales et des pensions. Loin de réduire le corset financier, ces programmes éternisent le tribut que la Grèce doit rendre aux banques.

Il est erroné de supposer que ce refinancement serait plus facilement digéré s’il s’accompagnait de mesures de régulation financière, de contrôle de la spéculation ou d’élimination des paradis fiscaux. La Grèce n’obtiendra aucun répit par la simple réduction des taux d’intérêts si le paiement des créanciers est maintenu. Le dette est tellement colossale que même avec une croissance annuelle soutenue de 8% pendant 20 ans, elle ne parviendrait pas à diminuer son passif aux niveau des critères fixés par l’Union européenne |16|. L’expérience argentine ne laisse aucun doute quant à l’inutilité des refinancements. En 2001, toutes les variantes qui avaient été tentées dans l’optique de maintenir la convertibilité avaient échoué. En espaçant dans le temps les engagements de remboursement, ces rustines n’ont fait que postposer la déclaration officielle d’insolvabilité. Ce même scénario tend à se reproduire en Grèce |17|.

Le refinancement –vanté par les keynésiens – n’est pas antinomique de la déflation, postulée par les orthodoxes néolibéraux. Ce ne sont que deux variantes d’un même soutien aux banques. Tandis que la première option cherche à renforcer les aides afin d’éviter un tsunami de faillites, la seconde alternative se centre sur la dégradation fiscale consécutive à ce sauvetage. Le gouvernement étatsunien s’est trouvé confronté au même dilemme quand il décida de fermer Lehman Brothers et qu’il eut recours, le lendemain, au refinancement limité des entités financières en faillite.

Les politiciens sociaux-démocrates agissent comme les partisans les plus décidés de la poursuite des prêts, face à leurs pairs conservateurs, qui haussent le ton contre la flexibilité du crédit. Les deux postures ne divergent que dans la détermination du moindre mal pour le capitalisme. Dans les périodes de crises aiguës, les sociaux-démocrates cherchent des échappatoires et tentent de masquer leur alignement explicite au côté des banques et contre les peuples. Dans la conjoncture européenne, ce masque est en train de tomber et les attaques brutales contre les travailleurs s’appliquent sans anesthésie.

Trois enseignements

La cessation de paiement de l’Argentine s’est prolongée pendant plus de trois ans. Elle a affecté les créanciers privés, mais pas les organismes multilatéraux (le FMI a obtenu le remboursement anticipé de tous ses prêts). Plusieurs cycles de négociations ont eu lieu avec les détenteurs de titres. En 2005, un échange a eu lieu avec trois taux de décote d’entre 50 et 60% de la valeur originale. Une minorité de créanciers n’a pas accepté cette proposition et a été convoquée à un second échange de titres, qui a récemment abouti.

Le montant total de la dette argentine s’est significativement réduit en comparaison des exportations et du PIB (48% de ce dernier). Les engagements ont été postposés et la moitié du passif a été libellée en monnaie nationale (avec une part spécifique des obligations dans le service public lui-même |18|).

Ce qui s’est passé en Argentine indique que la suspension de paiement est réalisable et opportune pour les débiteurs poussés à une situation d’asphyxie. La cessation partielle des déboursements a donné un ballon d’oxygène à l’économie nationale, pendant la période critique de récupération qui a suivi le défaut. Ce soulagement a permis de négocier dans de meilleures conditions financières l’échange de la dette. Le résultat de cette opération a dégonflé comme une baudruche tous les cauchemars propagés par les banques afin de terroriser les débiteurs. Le pays ne s’est pas retrouvé « en dehors du monde », il n’a pas perdu de marchés pas plus qu’il ne s’est transformé en « paria de la communauté internationale ». Les biens du pays à l’étranger n’ont pas non plus été confisqués. Toutes les lugubres prédictions agitées frénétiquement par les financiers ont été réduites à néant.

Certes, le peuple argentin a souffert d’une terrible dégradation de son niveau de vie. Mais ces peines avaient précédé le défaut et furent provoquées par les mesures imposées par les banques. La cessation de paiement n’a ajouté aucune souffrance supplémentaire au bain de sang social de cette période.

De nombreux économistes de l’establishment soutiennent que la voie « agressive » suivie par l’Argentine a provoqué plus de malheurs que la voie « amicale » suivie par d’autres nations latino-américaines (comme le Brésil, l’Uruguay ou la Jamaïque |19|). Mais cette affirmation ne repose sur rien. L’Amérique latine est passée par de nombreuses expériences de moratoires et l’Argentine elle-même en a connu plusieurs (par exemple entre 1988 et 1992).

Aucune donnée ne vient en étayer le caractère approprié. La négociation du défaut ou son imposition de facto, ne réduit pas en soi les restrictions supportées par le peuple. L’histoire économique contemporaine enregistre, en outre, une variété innombrable de crises de paiements, avec des processus négociés tout aussi douloureux. Ainsi des cas très documentés (comme l’Allemagne en 1953 ou l’Indonésie en 1971) ont permis d’exiger d’importantes contreparties auprès des créanciers.

Dans les débats sur ces événements, il convient de retenir les trois grandes leçons de l’Argentine pour la Grèce. Cette expérience indiqua, en premier lieu, l’indubitable nécessité de freiner l’hémorragie du débiteur, au travers d’une suspension unilatérale des paiements. Elle clarifia également l’importance de choisir le moment le plus opportun pour cette rupture.

L’Argentine s’est déclarée en défaut de manière volontaire, quand le pays s’est retrouvé sans fonds. La Grèce pourrait imiter cette action avant de perdre toutes ses ressources. Elle a la possibilité d’anticiper et d’agir alors que les créanciers sont confrontés à une forte exposition de titres toxiques qu’ils accumulent dans leurs portefeuilles. Il ne faut pas donner le temps aux financiers de procéder à des échanges de titres.

Il est également indispensable de mettre immédiatement en pratique un audit de la dette. En Argentine, on a beaucoup débattu de cette initiative face aux accusations dûment étayées sur le caractère frauduleux du passif. La dette s’était gonflée avec des engagements inexistants qui ont financé la fuite des capitaux, avec une spirale des intérêts et une importante absorption de faillites privées de la part de l’Etat.

Ces irrégularités confirmées sont restées impunies. Le lobby des banques a bloqué toutes les tentatives d’enquête et paralysé plusieurs projets parlementaires de révision des passifs. Les conséquences de cette impunité ont été mises en lumière dans tous les débats postérieurs sur la dette. Sur ce terrain, l’Argentine est restée très en arrière par rapport à l’Equateur, qui a mis en place une Commission d’audit qui a permis de faire la lumière sur bien des choses.

En Grèce, il existe actuellement la possibilité de mener à bien un audit. Cette action permettait d’annuler la portion illégitime des passifs et de faciliter la constitution d’un registre des propriétaires des titres. Cette identification serait indispensable afin de déterminer les droits de recouvrement. Il existe déjà une importante initiative afin de mener à bien cette recherche [Voir Yorgos Mitralias, « Révolte populaire de masse en Grèce » ]].

La troisième leçon de l’Argentine est la nécessité de nationaliser les banques et d’établir un contrôle total sur les mouvements des devises et des capitaux. Ces mesures devraient être adoptées avant la suspension du paiement de la dette (ou en modifiant le type de change). La Grèce est encore dans les temps pour préserver ses ressources avec de telles mesures.

Certains économistes considèrent qu’il est indispensable de rompre immédiatement avec l’euro. Mais la récupération de la monnaie nationale requiert en premier lieu d’assurer les réserves, en empêchant la fuite frénétique des capitaux qu’accompagnerait un virage économique. Ce n’est qu’en intervenant sur les banques (en les nationalisant) et au travers d’un strict contrôle des changes qu’il serait possible de contrebalancer la perte des devises résultant d’une souveraineté monétaire retrouvée.

En Argentine, ces mesures ne furent pas adoptées et le résultat fut un effondrement chaotique de la convertibilité, au milieu de l’inflation et de l’appauvrissement de la population. Au lieu d’exproprier les banques, on escroqua les épargnants et on dilapida d’énormes fonds (équivalents à 12 ou 14 points de pourcentage du PIB) en secourant les financiers.

Il ne fait pas de doute que la moindre politique radicale qui s’oppose aux créanciers engendrera des coûts et entraînera des risques. Dans le cas grec, il est vital de prendre en considération la manière dont on résoudra les importations, le maintien de l’industrie du tourisme et la préservation de l’activité maritime.

Mais il faut faire face à cette évaluation des risques sans oublier que le maintien du paiement de la dette augure un horizon de souffrances bien plus graves. Certains économistes omettent d’évaluer les conditions nécessaires pour opter pour l’une ou l’autre voie économique. Ils conseillent de dévaluer et de sortir de l’euro, sans mentionner la protection des réserves et la nécessaire conversion des banques en entités publiques. Cette attitude revient à prôner un remède pire que le mal. Il suffit d’observer ce qui se passe déjà dans les pays qui appliquent des politiques capitalistes en dehors de l’euro zone. L’Argentine constitue une bonne référence pour analyser ce qui peut se faire et ce qu’il est nécessaire d’éviter, afin de reconstruire l’économie grecque.

Les chemins de la relance

Après avoir touché le fond, l’économie argentine a commencé un processus de croissance soutenue. Cette remise à flot s’appuie sur l’élargissement des exportations et la restauration de la consommation interne. La fracture sociale de la demande, l’inflation élevée, la fuite continue des capitaux et la faiblesse des investissements handicapent cette récupération et posent de sérieuses questions quant à sa consistance.

Mais il est hors de doute que l’ère « post-défaut » s’est conclue par un cycle de réanimation, qui amène de nombreux économistes à présenter le pays comme un modèle à suivre pour les nations de la périphérie européenne.

Dans cette modélisation, on tend à oublier que la récupération argentine obéit à trois raisons spécifiques : la restauration du taux de profit, la valorisation internationale des exportations et une plus grande marge de manœuvre afin d’appliquer des politiques économiques expansives.

Le premier facteur déterminant est apparu au terme d’un ajustement brutal généré par la méga-dévaluation. Cette opération chirurgicale a assaini les capitaux, déprécié les salaires et, comme cela se produit dans certaines conjonctures du cycle capitaliste, a facilité la recomposition du profit. Ce rebond s’est consolidé par la réaction du marché international. Une économie partiellement autonome des flux internationaux du capital peut maintenir une certaine déconnexion avec le financement international. Le cinquième exportateur mondial d’aliments a, en outre, bénéficié de prix internationaux plus avantageux que dans le passé pour le commerce du soja. L’Argentine s’est transformée en fournisseur privilégié des économies asiatiques émergentes, tandis qu’elle multipliait ses échanges avec le Brésil et diversifiait son commerce. Une grande partie des énormes rentes captées par l’Etat au cours de ces dernières années ont été utilisées pour réanimer la demande interne. On substitua ainsi le faible investissement privé et on tenta un schéma néo-développementiste privilégiant l’industrie au détriment de la valorisation financière |20|.

Si la Grèce suit le chemin d’une cessation de paiement, la même trajectoire va-t-elle se répéter ? Il est évident que cette économie méditerranéenne n’a pas de ressources naturelles importantes, ni le même type d’insertion dans le marché mondial qui ont permis la récupération argentine. Mais personne n’imaginait il y a dix ans que l’économie argentine entamerait une phase ascendante après le défaut. On supposait au contraire que cet épisode provoquerait un effondrement apocalyptique. Il est plutôt confirmé que les va et viens de la conjoncture internationale sont relativement imprévisibles et n’offrent pas d’arguments définitifs pour opter pour l’une ou l’autre politique économique.

Il est évident ensuite que la Grèce est plus connectée au cours général de l’Europe que l’Argentine au devenir de l’Amérique latine. La première région opère comme un moteur auto suffisant tandis que la seconde maintient ses liens traditionnels avec les principaux centres de l’économie globale. Du fait de cette connexion élevée avec ses partenaires européens, la Grèce a besoin de compléter un éventuel moratoire de la dette avec des actions régionales collectives. Le succès d’une politique radicale en la matière exigerait de mesures communes avec ses voisins de la périphérie européenne. La bataille contre les créanciers nécessiterait une collaboration étroite avec le Portugal, l’Irlande, l’Islande et d’autres pays pénalisés par les banques.

Au cours de la dernière décennie, ce type d’initiatives communes s’est discuté en Amérique latine, à l’aune de la proposition visant à créer un « club des débiteurs ». La proposition consistait à forger un bloc des pays les plus touchés afin de faire plier le pouvoir des financiers. Mais en 2001, cette campagne avait perdu de son impulsion et il prédominait au contraire une grande dispersion des nations frappées par le pillage de la dette. La situation européenne actuelle diffère de cette période latino-américaine par le haut degré de coopération communautaire existant sur le Vieux Continent |21|.

Une autre différence importante est l’inexistence d’une frontière nette entre les situations d’effondrement dans les pays de la périphérie et les conjonctures de prospérité dans les pays du centre européen. Les économies intermédiaires de l’Espagne ou de l’Italie commencent ainsi à souffrir de la même menace qui affecte la Grèce ou l’Irlande. Pour cette raison, la principale crainte du moment est une extension éventuelle de la crise à d’autres pays. Dans ce cadre, la lutte pour associer les débiteurs se présente sous d’autres formes.

Mais ces caractéristiques ne pourront jouer un rôle que si un quelconque pays se dresse face aux banques et propose la constitution d’un réseau de solidarité. La Grèce réunit de nombreuses conditions pour diriger un tel processus. Seul un moratoire unilatéral ouvrirait la possibilité de négocier avec les banques, sans affecter le niveau de vie de la population. Pour établir une limite stricte aux paiements, engager des politiques d’investissements dans les secteurs sociaux et reconstruire le pouvoir d’achat de la population, il faut mettre en pratique des mesures plus audacieuses que celles adoptées par l’Argentine il y a dix ans.

Le même soulèvement

La principale analogie entre la Grèce et l’Argentine se vérifie sur le terrain de l’insubordination populaire. Ces deux pays ont une riche histoire de luttes sociales. Le soulèvement de décembre 2001 était l’héritier du « Cordobazo » (1969), de la grève générale de 1975, des grèves contre l’inflation (années 1980) et des mobilisations contre le chômage (décennie 1990).

Dans les batailles livrées par le peuple grec est présent l’héritage de la guerre civile (1944-1949), la résistance contre la dictature (1973) et les luttes de la jeunesse |22| (2008 ) (19). Après 11 arrêts généralisés du travail et d’innombrables manifestations, on observe ces dernières semaines une nouvelle irruption des masses. Les occupations de places, les affrontements avec la police et les débordements des directions syndicales se multiplient.

Comme il y a dix ans à Buenos Aires, les activistes d’Athènes organisent des campements, résistent aux expulsions et organisent des assemblées populaires. La jeunesse converge avec les travailleurs, forgeant la même union qui se déroula en Amérique du Sud, les blocages de rues des chômeurs se joignant aux « casserolades » de la classe moyenne.

Mêmes les slogans se ressemblent (« dehors les voleurs ») ou les revendications (« nous ne devons rien, nous ne payerons rien, nous ne vendons rien ») et il existe un même rejet des marchandages occultes entre les partis au pouvoir et l’opposition conservatrice.

Le réveil populaire en Argentine a surgi quand les illusions néolibérales, qui prédisaient « l’entrée dans le premier monde », se sont effondrées. La même haine a éclaté parmi les Grecs, avec la fin des attentes créées par l’adhésion à l’Union européenne.

Tous les observateurs s’accordent sur le fait que la crise a déjà complètement débordé de la sphère financière et qu’elle se répand dans les rues |23|.

Il y a dix ans, la rébellion argentine avait freiné les mesures d’ajustement, fait avorter le programme déflationniste et bloqué la dollarisation. Elle força également l’introduction d’un projet politique qui combinait la restauration du pouvoir des dominants avec l’octroi de concessions démocratiques et sociales. Le soulèvement confirma l’utilité de la lutte afin d’inverser des rapports de force défavorables, donner de la légitimité aux mouvements sociaux et légaliser les grèves. Il permit de freiner la répression brutale (qui persiste en Colombie ou au Mexique) et contrebalança la résignation dans les mouvements sociaux (que l’on observe en Uruguay ou au Brésil).

Mais la rébellion argentine resta au milieu du gué car elle n’a pas expulsé les politiciens corrompus ni éradiqué le poids du bipartisme. Elle n’empêcha pas non plus l’enrichissement des mêmes capitalistes qui profitèrent de la convertibilité. Mais elle conditionna toute la politique étrangère et elle influença une gestion de la dette qui limita les appétits des créanciers.

Il est important de tenir compte de ces résultats au moment d’établir des comparaisons internationales |24|.

La bataille populaire qui se livre actuellement en Grèce présente un caractère plus continental. La rébellion argentine a fait partie d’un cycle de luttes sud-américain, mais elle n’éclata pas au même moment que les soulèvements au Venezuela, en Equateur ou en Bolivie. Les mobilisations grecques coïncident par contre avec la crise générale du Vieux Continent, qui tend à provoquer des réactions simultanées dans plusieurs points de cette région. Ces réponses commencent à rompre l’isolement des résistances nationales et permettraient de surmonter la perplexité qui a prévalu au début de la récession.

La généralisation de l’action populaire est le meilleur antidote contre la passivité alimentée par la social-démocratie et contre les campagnes racistes promues par la droite. La récente protestation des indignés espagnols peut marquer un tournant dans ce sens. Le mouvement gagne en massivité à mesure que ses revendications politiques (« démocratie réelle ») et économiques (en finir avec le sauvetage des banques) conquièrent une plus grand légitimité et soutien |25|.

La présence dominante de la jeunesse dans ces mouvements – et l’utilisation novatrice des réseaux sociaux comme instruments d’information alternative – encourage la contagion continentale. Cette généralisation peut répéter l’effet domino qui caractérise les soulèvements dans le monde arabe. L’étincelle de la jeunesse réchauffe en outre les énergies des travailleurs, tant dans les pays qui maintiennent un haut niveau de mobilisations sociales (France), que dans les pays qui ont souffert un recul prolongé (Grande-Bretagne).

Si la confiance envers la résistance réapparaît, on pourra envisager la manière de généraliser la bataille contre les créanciers, comme cela a déjà commencé dans certains pays, comme l’Islande. En résumé, la flamme allumée par les Grecs s’étend en Europe et son impact déterminera qui payera les conséquences de la crise. Ce processus est suivi avec une énorme attention en Amérique latine. Très peu de nouvelles sont attendues avec autant d’espoir que celle d’une victoire populaire en Europe.

Notes

|1| Coalition de plusieurs partis centristes dont l’Unión civica radical (UCR), principal parti du pays avec le parti justicialiste (peroniste dont faisait partie Menem) (NdT).

|2| En décembre 2000, le ministre de l’Economie a négocié un paquet de sauvetage de 40 milliards de dollars qui postposait le paiement du capital et des intérêts dans le but d’alléger la situation financière de l’Etat et de récupérer la confiance. Ce mécanisme étant connu comme blindaje (NdT).

|3| L’opération dite de mega-canje (méga-échange) a également visé à postposer les échéances de certaines dettes qui arrivaient à maturité en 2001 et 2005 à la période courant entre 2006 et 2031, cela contre une augmentation très conséquente des taux d’intérêt (NdT).

|4| Une description détaillée de cette conjoncture se trouve dans les Economistes de Gauche « Propuestas socialistas para superar la crisis nacional », juillet 2002, Ediciones Herramientas. Economistas de Izquierda, « Propuestas de reconstruction popular de la economia », novembre 2002.

|5| Blejer Mario, “Una quita mayor que la Argentina”, La Nación, 10-7-2011.

|6| Les économistes de l’establishment argentin comme Redrado Martin, Prat Gay Alfonso, Marx Daniel mettent en avant cette asymétrie, “Lo que Grecia puede aprender de Argentina, La Nación, 6-7-2011.

|7| Voir Eric Toussaint, Huit propositions urgentes pour une autre Europe

|8| Voir Jorge Oviedo , “En el caso griego la solución argentina sería una catástrofe”, La Nación, 24-6-2011. “El default argentino, eje de un debate con Krugman”, La Nación, 24-6-2011. Voir aussi José Luis Machinea , “Actuar antes que sea tarde”, La Nación, 20-7-2011.

|9| Les pays industrialisés avancés.

|10| Vicenc Navarro présente dans cet article une comparaison édifiante, “Qué pasa en Irlanda y los otros PIGS”, Revista Digital Sistema, 26-11-2010.

|11| Constantinos Lapavitsas, “Grecia se parece cada vez más a la Argentina”, http://www.socialismo-o-barbarie.org, 1-7-2011, “Callejón sin salida”, Página 12, 12-6-2011.

|12| Le modèle irlandais a également été revendiqué en Argentine au cours des années 1990. Voir une critique dans Rubén Telechea, “Imitemos el milagro irlandés”, Pagina12, 10-1-2001.

|13| Une analyse sur : Bloco de Izquierda, “Sobre a crise e os meios da a vencer”, 23 mai 2010.

|14| Voir Michel Hudson, “Huelgas contra un golpe de estado financiero”, Sin Permiso, 10-10-2010.

|15| Jacques Attali , « La solución es un tesoro europeo », Clarín, 17.12.2011. Nouriel Roubini, Stephen Mihm, « Los rescates no impedirán cuatro defaults europeos », La Nación, 29.05.2011.

|16| Les propositions de refinancement dans : Sami Nair , « Para Onde vai a Europa », El País 16.12.2011 y Paul Krugman , « El fantasma de Argentina en la crisis europea », La Nación, 13-1-2011. Le calculs de la gravité de l’endettement dans : Xavier Vidal Folch , « Los mitos se derrumban », El País, 22-7-2011.

|17| Une analogie dans : Mario Rapaport , « Grecia en el espejo argentino », Página 12, 30.05.2010.

|18| Eduardo Lucita, « Ciclos de acumulación y dinámica de la deuda », Séminaire du CADTM-AYNA : « Propuestas soberanas y alternativas sociales frente a la deuda », Buenos Aires, 16.17.09.2010.

|19| Bob Davis, « Las lecciones que Europa puede aprender de América Latina », La Nación, 06.12.2010.

|20| Claudio Katz , « Los nuevos desequilibrios de la economía argentina », Annuaire EDI, n°5, septiembre 2010. Nous avons établi une première comparaison avec le cas grec dans Katz Claudio, « Grecia 2010, Argentina 2001 », 21.10.2010, http://www.combate.info

|21| Ce contexte est souligné par Mark Weisbrot, « Euro, el fin de un sueño », Página 12.

|22| Statis Kuvelakis , « La caldera griega », http://www.vientosur.info/, 22/06.2011.

|23| Dani Rodrik, « La duda es si Grecia evitará la senda argentina », La Nación, 19.06.2011, Timothy Garton Ash , « La claves es Alemania », El País, 20.06.2011. Thomas Friedman , « El choque de generaciones », La Nación, 18.07.2011.

|24| Claudio Katz, « De la rebelión popular al nacimiento de la nueva izquierda », Troisième formum national d’éducation pour le changement social, Buenos Aires, 3 juin 2011.

|25| Josep María Antentas, Esther Vivas , « Indignación masiva », alainet.org, 20.06.2011.

Claudio Katz est économiste, chercheur et professeur. Il est membre du collectif des économistes de gauche en Argentine (EDI). Sa page web est http://www.lahaine.org/katz

Traduction : Virginie de Romanet et Ataulfo Riera